Le coffre (du latin cophinus, « panier », « corbeille ») est alors le meuble principal, voire unique, des intérieurs qui en possèdent. Sa conception est simple : quatre planches – dont une sert de couvercle – et deux plus petites, carrées, pour les côtés. Meuble de rangement, il peut à l’occasion faire office de malle lors des déplacements, relativement fréquents, des seigneurs.
Un meuble simple, mais d’une grande variété
La plupart des coffres, objets utilitaires donc usés, n’ont pas été conservés. On en distingue toutefois plusieurs types, plus ou moins manipulables selon leur taille et leur poids.
Le coffre bahut, à couvercle bombé

Coffre bahut, bois et ferrures, XIVe siècle, Kew, Archives nationales du Royaume-Uni. Les bahuts étaient avant tout des coffres de voyage.
Le coffre à couvercle plat

Coffre, noyer, XVe siècle, provenance inconnue, ©T. Estadieu – musée Fenaille, Rodez (collection SLA). Le devant et les côtés sont sculptés de motifs inspirés de l’architecture gothique. Dans la mesure du possible, on devait éviter de transporter un tel coffre, dépourvu de poignées et joliment sculpté donc fragile.
Le cassone, cadeau de mariage
Dans la Toscane du 15e siècle, le cassone (cassoni au pluriel) est un coffre luxueux que l’on offre à une jeune mariée afin qu’elle y range les objets précieux de son trousseau. Giorgio Vasari en parle dans sa Vie de Dello Delli (v. 1404-1450), peintre plus habile à rendre les petites figures que les grandes. Ce fut une chance pour lui car, à cette époque, l’usage voulait qu’on mît dans les chambres, pour servir de coffres, de grandes caisses en bois ressemblant à des cercueils, avec des couvercles de différentes formes ; tout le monde tenait à en faire peindre. On représentait des scènes sur le devant de ces coffres, sur le côté et parfois ailleurs ; on y plaçait les armes ou les emblèmes de la famille. Les sujets peints sur le devant étaient généralement tirés d’Ovide et d’autres poètes, ou d’historiens grecs ou latins, mais on y voyait aussi des chasses, des joutes, des épisodes de romans courtois, au goût de chacun. L’intérieur était capitonné de toile ou de drap, selon le rang et la richesse de ceux qui le commandaient, pour mieux y conserver les vêtements et autres choses précieuses […]
D’une grande variété, ces cassoni sont richement décorés, à la fois sculptés, dorés et parfois peints de scènes figuratives, évoquant les noces ou des histoires d’amour célèbres.
Certains sont restés intacts...

Cassone, bois peint et doré, enrichi de figures modelées en plâtre, v. 1430-1440 – Londres, Victoria and Albert Museum. L’histoire de ces coffres s’est perdue ; nous ignorons l’origine précise de celui-ci. Le musée londonien l’a acheté au XIXe siècle, à un marchand anglais installé à Fiesole (tout près de Florence) ou à un marchand milanais. En revanche, il est intact ; il a même conservé son socle d’origine.
... mais beaucoup ont été démembrés au fil du temps :
les scènes narratives devenant des tableaux indépendants. C’est leur format, long et étroit, qui rappelle leur fonction d’origine.

Cassone Adimari, panneau de bois peint attribué à lo Scheggia (frère de Masaccio), vers 1450, Florence, Galleria dell’Accademia.
Reprenons la lecture de la Vie de Dello Delli, Vasari précise : On ne décorait pas seulement les coffres, mais aussi les banquettes, leurs dossiers, les encadrements de boiserie et les différentes pièces d’ameublement qui composaient alors les somptueux décors des chambres dont on peut voir d’innombrables exemples à Florence.
Ce panneau de l'Accademia est souvent considéré comme l'avant d’un cassone, mais il pourrait aussi s’agir d’une autre pièce d’ameublement, d'un dossier par exemple. Quoi qu’il en soit, cette scène nous plonge au cœur l’élite florentine. Nous assistons à des noces – impossible de savoir lesquelles – sur la place du Dôme. Le baptistère, partiellement drapé pour l’occasion, est bien reconnaissable. Un long dais est tendu entre une maison (sur la droite) et une galerie (sur la gauche), sous lequel des couples somptueusement vêtus défilent. Sous la loggia, des serviteurs s’activent tandis que des musiciens, assis sur une estrade joliment peinte, animent la cérémonie
Outre ces scènes évoquant des fêtes de mariage, de nombreux cassoni sont illustrés d’histoires d’amour puisées dans la Bible ou la culture païenne. Ces épisodes ont en commun d’être passionnés, tourmentés, voire violents.

Mars et Vénus, Sandro Botticelli (1445-1510), tempera sur bois, vers 1483 – Londres, National Gallery. La déesse de l’Amour et de la Beauté regarde le dieu de la Guerre, endormi et désarmé, de petits satyres jouant avec sa lance, son casque et son armure. L’Amour aurait-il vaincu la Force ?

L’enlèvement des Sabines, Girolamo del Pacchia (1477- ap. 1535), huile sur bois, vers 1520, Malibu, J. Paul Getty Museum. Au tout début de leur histoire, les Romains, manquant de femmes, enlèvent celles d’un autre peuple italique, les Sabins. Ils convient leurs rivaux à des fêtes, les enivrent pour s’emparer de leurs femmes. Forcées, ces dernières deviennent finalement épouses, et surtout mères, de Romains. Étonnant cadeau de mariage que cette scène de viol.

Vashti quittant Suse – Florence, musée Horne. Ayant désobéi à son mari, le roi de Perse Assuérus, Vashti est répudiée. Nous la voyons sortir de la ville. Assuérus épouse alors Esther, jeune Juive d’une grande beauté. Le cassone en question a été démembré ; ses différents panneaux peints sont aujourd’hui dispersés. À ses dimensions, nous devinons que celui-ci ornait un côté du coffre.