Les meubles à transformation

Les meubles transformables – ou à transformation – associent haute technicité et marqueteries parfaites, souvent complexes. Rares, ils sont réservés à une élite richissime au mode de vie ultra sophistiqué.
Jean-François Oeben est considéré comme l’inventeur de ces meubles transformables, très en vogue à partir des années 1760. On lui doit par exemple la table dite « à la Bourgogne », ainsi nommée en hommage au petit duc de Bourgogne, petit prince infirme pour lequel Oeben avait conçu un fauteuil mécanique en 1760.
Petit-fils de Louis XV, fils du Dauphin, le duc de Bourgogne (1751-1761) est l’héritier du trône. Malheureusement, à la suite d’une mauvaise chute, une tumeur à la hanche le cloue sur une chaise longue. Sa santé se dégrade rapidement ; il s’éteint à l’âge de neuf ans. Son cadet lui succède au rang de dauphin et deviendra Louis XVI à la mort de leur grand-père en 1774.
Ce meuble a l’apparence d’une commode haute et étroite. Il semble comporter cinq rangs de tiroirs et le plateau se divise en deux parties. Une manivelle (sur le côté droit, en haut) fait remonter une petite bibliothèque vitrée flanquée d’étagères cylindriques coulissantes garnies de moire bleutée. Les deux premiers tiroirs se rabattent, formant une tablette. Le quatrième est amovible ; muni de pieds rabattables, il devient table de lit. Enfin, le dernier, garni de tissu, fait office de prie-Dieu.
Ce meuble exceptionnel était probablement plus une prouesse technique objet de collection qu’un objet véritablement utilitaire.
 
D’autres tables, fabriquées par d’autres ébénistes, présentent un mécanisme semblable.
Sur un côté de la table, une serrure permet d’actionner un mécanisme : le plateau supérieur recule tandis qu’avance un autre plateau. Ce dernier se compose de différentes parties : un pupitre garni de laque japonaise (sous lequel se dissimule un tiroir) et deux casiers s’ouvrant latéralement.
On connaît plusieurs exemples de ce genre de table : une est conservé au Metropolitan Museum de New York, une autre au Getty Museum de Los Angeles.
Portant deux estampilles – Oeben et RVLC JME (Roger Vandercruse) – cette table a été réalisée pour la marquise de Pompadour. Son blason (une tour) est visible au sommet des bronzes dorés à chaque angle de la table. La superbe marqueterie – motifs d’architecture, de musique, de peinture, de jardinage – évoque le mécénat de la favorite royale. Les attributs du dieu Amour – un arc et un carquois entrecroisés – font référence à son rôle dans la vie de Louis XV.
Il ne faut pas oublier que Mme de Pompadour a accompagné la naissance du style Transition ; on a parfois tendance à l’associer exclusivement au style rocaille.

 

Sur ce portrait de la marquise de Pompadour et de sa fille, Alexandrine Le Normant d’Étiolles, apparaît (sur la gauche) une table semblable à celles qu’on vient d’évoquer.
 
Cette vidéo du Getty Museum donne une idée claire du mécanisme de ce genre de table.
Les meubles à transformation, tout en restant rares, sont assez divers. Parmi eux, n’oublions pas le plus célèbre : le bureau à cylindre de Louis XV.
Bibliographie :
« Le plus beau mobilier du monde, chefs-d’œuvre d’ébénisterie, le mobilier du Louvre », hors-série L’Estampille L’objet d’art, n° 11, nov. 1994