La révolution de l’ébénisterie
Le cabinet : un nouveau meuble pour une nouvelle technique
À partir du XVe siècle, l’Europe s’ouvre sur le monde ; elle en conquiert et en pille une bonne partie. À la fin du XVIe siècle, de nouveaux bois arrivent dans les ateliers de menuiserie, au premier rang desquels, l’ébène. Peu à peu, naît l’idée de plaquer une fine couche d’ébène sur un bâti de bois européen. Un meuble particulier accompagne la naissance et le développement de cette technique : le cabinet. Les premiers cabinets sont conçus aux Pays-Bas, dans les Flandres et les pays germaniques. Les Hollandais ont été les premiers à importer de l’ébène en Europe. Très dur, c’est un bois difficile à travailler ; exotique, donc rare et cher. Pour toutes ces raisons, on l’utilise avec parcimonie, exclusivement en placage.

Cabinet probablement fabriqué à Paris, bâti de chêne plaqué d'ébène, vers 1630-1650 ; Londres, Victoria and Albert Museum
Mesurant à peu près deux mètres de hauteur sur 1,80 m de longueur et 0,60 m de profondeur, c’est un meuble imposant, destiné à conserver de précieux objets de collection, des bijoux. Il se compose d’un rangement – une sorte de coffre mais s’ouvrant sur le devant par deux portes – posé sur de hauts pieds tournés. « Coffre » et piètement son indépendants mais conçus pour s’adapter l’un à l’autre. Les pieds sont reliés par une tablette d’entretoise sur laquelle on peut disposer des vases, par exemple des porcelaines chinoises. Le bleu et le blanc contrastent alors joliment avec le noir du bois – qui n’est pas partout de l’ébène, le piètement est en grande partie du bois européen noirci. Les cabinets étant placés contre un mur, l’arrière n’est jamais plaqué.

Le même cabinet, détail d'une porte ©Victoria and Albert Museum
L’ébène est abondamment sculptée et gravée. D’un noir intense, elle devient brillante une fois polie.
Un meuble théâtral
Au fur et à mesure de l’ouverture, on va de surprise en surprise. Fermé, le cabinet est un meuble luxueux mais austère ; l’intérieur révèle, lui, une grande fantaisie. Une fois les deux grandes portes ouvertes, on distingue une niche centrale flanquée de tiroirs. Sur cette photographie, le volet dissimulant la partie centrale est ouvert, laissant deviner une scène de théâtre miniature.

Le même cabinet, une porte ouverte ©Victoria and Albert Museum
L’œil du spectateur découvre une petite scène : un parquet de bois et d’ivoire conduit jusqu’à un damier noir et blanc flanqué de miroirs qui démultiplient l’espace et donnent l’illusion de profondeur. Des « fenêtres » d’ivoire et d’os teint en vert sont encadrées de colonnes d’écaille de tortue.

Le même cabinet, détail de l'intérieur ©Victoria and Albert Museum
Le maître de maison pouvait impressionner un visiteur de marque en ouvrant son cabinet devant lui. Il lui dévoilait ainsi sa collection de médailles et autres objets précieux conservée dans ce meuble spectaculaire. Les images suivantes évoquent l'effet de surprise du visiteur en question.

Cabinet, bâti de chêne plaqué d’ébène pour le coffre, pieds en poirier noirci, placage de bois exotiques et autres matières (bois de violette, amarante, ivoire, os…), probablement fabriqué à Paris vers 1645 ; The Metropolitan Museum of Art, don de Mme Harold Fowler, 1931
Cet imposant cabinet a appartenu à George Gordon Meade, général américain pendant la guerre de Sécession, qui s’est notamment illustré à la bataille de Gettysburg. En 1884, le meuble a subi divers ajouts lors d’une imposante restauration assurée par la maison new-yorkaise Herter Brother, qui a d’ailleurs apposé son nom et la date à l’arrière du cabinet. Celui-ci n’en reste pas moins un bel exemple de ces cabinets conçus pour afficher la fortune et le goût de son propriétaire.

Estampille de la maison Herter Brother et date de la restauration ©The Metropolitan Museum of Art

Le même cabinet, détail d’un des vantaux ©The Metropolitan Museum of Art
Le travail de l’ébène – qui est sculptée et gravée – fait jouer la lumière sur la surface du meuble, participant aux effets esthétiques.

Le même cabinet, vantaux ouverts ©The Metropolitan Museum of Art
L’ouverture des deux vantaux laisse apparaître deux petites portes au centre, entourées de petits tiroirs.

Le même cabinet, les deux petites portes centrales ouvertes ©The Metropolitan Museum of Art
Les deux petites portes du centre sont désormais ouvertes, dissimulant les tiroirs. Le spectateur voit l’intérieur coloré de ces portes.

Le même cabinet, la niche centrale une fois le meuble entièrement ouvert ©The Metropolitan Museum of Art