Le prix Avenir Métiers d’Art, promotion 2023
Depuis 2002, les prix Avenir Métiers d’Art récompensent de jeunes artisans d’art dans trois catégories : niveau CAP ou BEP (certificat d’aptitude professionnelle ou brevet d’études professionnelles), niveau Bac Pro, BMA (Brevet des métiers d’art) et niveau Bac + 2/3, BTS, DMA (diplôme des métiers d’art), DN-MADE (diplôme national des métiers d’art et du design). Pour concourir, les candidats présentent une œuvre réalisée dans le cadre de leur formation.
Les lauréats de l’année 2023 ont officiellement reçu leur prix le 15 octobre dernier au Moulin Rouge. Le cabaret parisien n’a pas été choisi au hasard. Il entretient en effet un lien fort avec les métiers d’art puisque quatre maisons œuvrent pour lui : l’atelier Mine Vergès pour les costumes, l’atelier Valentin pour la broderie, le bottier Clairvoy, et le plumassier Février.
Dans la catégorie CAP-BEP, ont été distingués la marqueteuse Noémie Boulay (1er prix), la licière de haute lice Olivia Géraud (2e prix) et le décorateur sur verre/souffleur Valentin Rizzo (3e prix).
« Nouvel Envol » de Noémie Boulay, 1er prix
« Nouvel Envol » est un « puzzle » de 1 070 pièces de divers bois (500 rien que pour le bouquet !), découpées élément par élément, puis ombrées au sable chaud pour leur donner l’effet du relief. Les essences, européennes et exotiques, teintées ou laissées au naturel, sont enrichies d’incrustations de nacre, de laiton et de cuivre.
Sur un fond plaqué d’eucalyptus fumé et de fleurs s’envole un oiseau dont les ailes débordent du cadre. Le Phénix renaît de ses cendres après s’être consumé ; la vitalité est revenue à Noémie grâce à une greffe.
Noémie a été formée au lycée professionnel Napoléon à L’Aigle (Orne, Normandie) – CAP Arts du bois, option marqueteur.
« Abîme » d’Olivia Geraud, 2e prix
« Abîme » est un hommage au quotidien des licières – les artisanes qui tissent des tapisseries. Olivia a collecté des tissus abandonnés dans l’atelier du Mobilier national au sein duquel elle se forme et en a tiré un carton (une photographie) qu’elle a transposé en tapisserie : un drapé d’un rouge éclatant, un autre aux dégradés de rose ou encore l’évocation d’un gilet tricoté au crochet. Un tas de chiffon devenu nature morte !
Olivia Geraud a été formée à l’École des Arts textiles du Mobilier national à Paris – CAP puis BMA art du tapis et de la tapisserie de lice – le cycle de formation complet se fait en deux fois deux ans.
« Instant Suspendu » de Valentin Rizzo, 3e prix
14 kg de fragilité en équilibre ! « Instant suspendu » se compose de deux blocs de verre, indépendants l’un de l’autre. Ils ont été soufflés puis, à chaud, sculptés et émaillés. Dans un second temps, Valentin est venu enlever de l’émail sur certaines zones à l’aide d’une meule jusqu’à obtenir un polissage parfait. La lumière joue différemment à la surface du verre poli et du verre émaillé.
Valentin a été formé au Cerfav (Centre européen de recherches et formation aux arts verriers) de Vannes-le-Châtel (Meurthe-et-Moselle, Grand Est) – CAP décorateur sur verre.
Dans la catégorie du Baccalauréat professionnel, du Brevet technique des métiers et Brevet des Métiers d’Art, ont été mis à l’honneur l’horloger Wandrille Bonnin (1er prix), l’armurier Mathis Fortier-Durand (2e prix) et la sellière Camille Pierson, auxquels il faut ajouter un coup de cœur du jury pour le travail Léana Clabaut.
« Prometheus » de Wandrille Bonnin, 1er prix
Montres et horloges sont-elles encore utiles alors que notre téléphone accompagne chaque moment de notre vie ? Est-ce la question que se pose « Prometheus » qui, yeux ronds et bouche bée, semble nous regarder avec étonnement ? Cette pendule à poser est un écrin aux lignes futuristes qui, une fois ouvert, déroule l’histoire de la mécanique horlogère : du balancier à l’ancienne jusqu’à l’affichage alphanumérique pour les heures et les minutes. Alliance de la science et de la poésie !
Wandrille Bonnin a été formé au lycée professionnel Marcel-Dassault à Mérignac (Gironde, Nouvelle-Aquitaine) – BMA horlogerie.
Carabine Mle1812BIS de Mathis Fortier-Durand, 2e prix
Mathis Fortier-Durand a marié le fusil Simplex, pièce iconique de l’armurerie stéphanoise Manufrance, au fusil de chasse Pauly – créé au début du 19e siècle par l’armurier parisien Samuel Johannes Pauly qui, en son temps avait facilité et sécurisé le chargement de l’arme. Le nom devient clair : Mde pour « modèle » – abréviation fréquente dans les nomenclatures armurières –, 1812 : année de naissance du Pauly, BIS car c’est une version nouvelle. Mécanique complexe, lignes fines, ornementation subtile !
Mathis Fortier Durand a été formé au lycée professionnel Benoît-Fourneyron à Saint-Étienne (Loire, Auvergne-Rhône-Alpes) – BMA armurier
Selle « Féminité géométrique » de Camille Pierson, 3e prix
« Féminité géométrique » est une selle asymétrique conçue pour monter en amazone, c’est-à-dire non pas à califourchon, mais les deux jambes du même côté ; pratique certes surannée, mais qui n’a pas disparu. Camille revisite la forme de cette selle féminine qu’elle a réalisée sur mesure pour une cavalière précise, mais aussi pour une jument précise. De même, elle réinterprète le décor d’amazone, traditionnellement tout en arabesques, en choisissant le motif géométrique du pied-de-coq, plus fréquent sur les selles masculines. Quant aux coutures, elles sont accentuées et particulièrement soignées.
« Eidôlon » de Léana Clabaut, coup de cœur du jury
Léna a imaginé et fabriqué un luminaire en plâtre aux lignes inspirées du style Louis XV, ajouré de telle manière que la source lumineuse projette au plafond l’ombre d’une rosace – motif de base du travail du staff. Eidôlon est un terme grec évoquant une image fantôme, une illusion, en l’occurrence celle de la rosace.
Léana a été formée au lycée technologique et professionnel Le Gué à Tresmes à Congis-sur-Thérouanne (Seine-et-Marne) ; Brevet des Métiers d’art – volume : staff et matériaux associés.
Enfin, dans la catégorie DN-MADE (Diplôme national Métiers d’art et Design), ont été mis à l’honneur le menuisier Joseph Clément (1er prix), la marqueteuse de paille Lucie Le Goff (2e prix) et la costumière Lénaïg Gorge (3e prix).
Bureau « Phyllo » de Joseph Clément, 1er prix
Depuis son invention vers 1670, le bureau ne cesse de se réinventer, toujours à la pointe de la modernité : en marqueterie Boulle sous Louis XIV, marqueté de bois exotiques au cours du 18e siècle ; en plexiglas, en carton ou en plastique au 20e ! Joseph Clément se confronte au grand défi d’aujourd’hui : la consommation raisonnée.
Joseph Clément a été formé au lycée des Métiers d’art de Saint-Quentin (Aisne, Hauts-de-France) – DN MADE ébénisterie
Éventail « Éclosion » de Lucie Le Goff, 2e prix
Qui dit marqueterie ne dit pas forcément bois. Au cours de sa formation, Lucie Le Goff s’est tournée vers la marqueterie de paille qu’elle a, ici, traitée de manière très originale. Au lieu de fendre chaque brin de paille sur toute sa longueur afin de le plaquer, Lucie a défibré sa paille afin d’obtenir des fils qu’elle a fait onduler sur son éventail. Depuis cette prouesse, Lucie a fait son entrée dans le monde de la joaillerie comme elle le désirait.
Lucie a été formée au lycée professionnel de l’Ameublement de Revel (Haute-Garonne, Occitanie) – DN MADE marqueterie
« Costume de Magdelon » de Lénaig Gorge, 3e prix
Le vêtement est une industrie polluante qui, à l’ère du dérèglement climatique, doit obligatoirement s’amender. Rien d’étonnant donc à ce que le costume de théâtre s’oriente vers la sobriété. Lénaïg a choisi le chemin inverse – exubérance des motifs et des couleurs, accumulation d’éléments décoratifs –, mais chaque élément est recyclé : chutes de fourrure, vêtements délaissés et vieux rideaux, perles diverses... Le costume de Magdelon ou « comment créer du luxe avec trois bouts de scotch » !
Lénaïg a été formée au lycée Paul-Poiret à Paris – DN MADE spectacle, spécialité costume
Souhaitons le meilleur à ces jeunes professionnels, brillants, passionnés et volontaires !
PS : Ce concours, orchestré par l’Institut des savoir-faire français (ex-Institut national des métiers d’art), bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la fondation Rémy-Cointreau pour la transmission et de la Banque Populaire. Les jeunes en formation aux métiers d'art peuvent candidater à la prochaine édition du prix Avenir : comment ?
Les oeuvres ont été photographiées par Augustin Détienne ; studios La Mobilette à Saint-Ouen
Visuel annonçant l'article : Sylvie Adigard sur la scène du Moulin Rouge © Augustin Détienne