Le coffre, LE meuble médiéval
Simple ou sophistiqué, utilitaire et d’une grande variété
Le coffre (du latin cophinus, « panier », « corbeille ») est alors le meuble principal, voire unique, des intérieurs qui en possèdent. Sa conception est simple : six planches : quatre longues – une servant de fond et une de couvercle ; une faisant office de façade et une autre d’arrière – et deux plus petites, carrées, pour les côtés.

Maître de la vie de Marie, « La naissance de la Vierge », peinture sur bois, Allemagne, vers 1460 ; Munich, Alte Pinakothek
Ce tableau nous montre une luxueuse chambre du 15e siècle. Une servante ouvre un coffre placé près du lit pour y prendre du linge.
Meuble de rangement, le coffre peut faire office de malle lors des déplacements, relativement fréquents, des seigneurs. Dans ce cas, ses ornements sont réduits au minimum, et il peut être renforcé de fers (pentures) et muni de poignées.

Maître d« La fuite des Troyens », enluminure (détail) tirée d’une compilation des « Chroniques et histoires des Bretons » de Pierre le Baud, 15e siècle ; Paris, BnF, département des Manuscritse la vie de Marie, « La naissance de la Vierge », peinture sur bois, Allemagne, vers 1460 ; Munich, Alte Pinakothek
Objets utilitaires, les coffres se sont usés au fil du temps. La plupart n’ont donc pas été conservés. On en distingue toutefois plusieurs types, plus ou moins manipulables selon leur taille et leur poids.

Coffret à couvercle bombé muni d’une poignée mobile et à 4 pieds, fer, 15e siècle ; Paris, musée du Louvre, département des objets d’art
Ce type de coffret servait à conserver sous clef et à transporter des pièces de monnaie, des bijoux et autres petits objets précieux.

Détail d’une tapisserie de la tenture de la Vie de Saint-Étienne, laine et soie, vers1500 ; Paris, musée de Cluny (musée national du Moyen Âge) ©Jean-Gilles Berizzi
Les coffres à couvercle bombé sont qualifiés de « coffre bahut ». C’était avant tout des coffres de voyage. Le bahut était dans un premier temps un accessoire de rangement bombé fixé sur le couvercle (plat) du coffre. On y plaçait les objets nécessaires lors d’un voyage. Peu à peu, le coffre de voyage a adopté un couvercle bombé ; cette forme lui confère une meilleure résistance aux chocs et permet à la pluie de couler. Le coffre bahut est souvent renforcé d’éléments en métal ou garni de cuir – une barrière contre l’humidité.

Coffre bahut, bois et ferrures, XIVe siècle, Kew, Archives nationales du Royaume-Uni

Coffre bahut, chêne garni de cuir, début 16e siècle ; Paris, musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny
Aux 13e et 14e siècles, coffres et chaires sont souvent sculptés d’arcatures, de gâbles, rosaces, trilobes et quadrilobes directement inspirés de l’architecture gothique, contemporaine de ces meubles.

Coffre, noyer, XVe siècle, provenance inconnue © T. Estadieu – musée Fenaille, Rodez, collection SLA)

Le même coffre (détail des arcatures) © T. Estadieu – musée Fenaille, Rodez (collection SLA)

Porte, Bourbonnais (Gannat), fin 15e siècle ; Louvre, département des sculptures du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes © Ojéda/Hubert
Au 15e siècle, un motif beaucoup plus sobre s’impose : les plis de serviette. Ils se déploient non seulement sur les meubles, mais aussi sur les portes et les boiseries tapissant les murs. Les plis de serviettes restent très en vogue jusqu’au 16e siècle, ils sont alors peu à peu supplantés par les motifs Renaissance.

Coffre à décor de plis de serviette, fin 15e siècle ; Châteauroux, musée Bertrand Rédaction de la Nouvelle République.fr
Cet article de la Nouvelle République.fr évoque les divers usages attribués à ce coffre au fil des siècles.
Les plis de serviette sont d’une grande variété, tantôt réalistes, tantôt stylisés.

Porte, chêne, vers 1450-1500, France ; New York, The Metropolitan Museum of Art, don de George Blumenthal, 1935

Détail d’une armoire ornée de plis de serviette, Nord de la France ou Pays-Bas du Sud (actuelle Belgique), chêne et métal, 16e siècle ; New York, The Metropolitan Museum of Art, don de J. Pierpont Morgan, 1916
Certains coffres sont ornés de scènes historiées – religieuses, fantastiques ou inspirées de la vie courtoise.

Devant de coffre, sculpté d’une scène de combat (saint Georges terrassant le dragon), chêne, vers 1385-1415 ; provenant d’Angleterre ou de Flandre ; Paris, musée du Louvre, département du mobilier et des objets d’art ©Philippe Fuzeau
Le combat de saint Georges contre un dragon afin de libérer une princesse est un thème fréquent au Moyen Âge.

Paolo Uccello, « Saint Georges terrassant le dragon », huile sur toile, vers 1470 ; Londres, The National Gallery

Atelier de Nicolas Castille, « Saint Georges terrassant le dragon », chêne sculpté en bas-relief, dorsal d’une stalle de la chapelle de Gaillon (Eure, Normandie), 1508-1510 ; Écouen, musée de la Renaissance © GP-RMN, Mathieu Rabeau
Les pentures sont des ferrures. Leur rôle est double : maintenir les planches entre elles et embellir le meuble. Certaines planches sont assemblées les unes aux autres à plat-joint, c’est-à-dire simplement juxtaposées sur leurs petits côtés. Elles doivent donc être maintenues à l’aide de pentures. Ces barres de consolidation deviennent souvent d’élégants ornements. Ces éléments de fer forgé se trouve sur les meubles et les portes.
Voir : L'armoire d'Aubazine

Coffre à pentures, chêne et fer, 1,70 m de long, 80 cm de haut, (il proviendrait de l’abbaye royale de Saint-Denis) ; entre 1250 et 1270 ; Paris, musée Carnavalet

Coffre à pentures provenant du trésor de la cathédrale de Noyon, fin du 12e siècle ; Noyon (Oise), musée du Noyonnais

Porte à pentures, France (Touraine), bois et fer forgé, 13e siècle ; New York, Metropolian Museum, The Cloisters Collection, 1925
Du coffret au coffre monumental

Coffret, ivoire et argent, Paris, vers 1300-1320 ; Paris, musée du Louvre, département des objets d’art

Le même coffre, vu d’un côté ©musée du Louvre
L’ivoire est sculpté en bas-relief de scènes courtoises. De gauche à droite : deux jeunes gens s’enlacent, puis le jeune homme pose la main sur le ventre de son aimée, il est agenouillé devant la jeune femme qui le couronne, et enfin, ils s’apprêtent à échanger un baiser. Ces scènes sont séparées les unes des autres par un arc trilobé, lui-même surmonté d’un arc brisé (en ogive) couronné d’un gâble (triangle) fleuri.

Le même coffre, vu de l’arrière ©musée du Louvre
L’arrière du coffre est sculpté d’une scène de chasse : les deux jeunes gens sont à cheval, un oiseau de proie posé sur leur poing ganté ; ils sont précédés d’un sonneur de cor. Cette représentation stéréotypée de ce passe-temps de l’élite se retrouve sur les enluminures et les tapisseries contemporaines.

« La chasse au faucon », enluminure du codex Manesse, parchemin, première moitié du 14e siècle ; Allemagne, Bibliothèque de l’université de Heidelberg

« Départ pour la chasse », tapisserie millefleurs, tenture de « La Vie seigneuriale », Pays-Bas du Sud, laine et soie, début du 16e siècle ; Paris, musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny
Ces tapisseries médiévales, dont le fond est parsemé de plantes et de fleurs – étagées, sans rendu de la profondeur – sont dites « millefleurs ».
La licorne est très présente dans les décors médiévaux.

Coffret orné d'une chasse à la licorne, bois, fin du XVe siècle, Pays germaniques ; Paris, musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny ©RMN-GP/J-G. Berizzi

« Une licorne dans un jardin » – provenant de la tenture La Licorne ; carton probablement conçu à Paris, fabrication dans les Pays Bas du Sud, laine, soie, fils d’or et d’argent ; vers 1495-1505 ; New York, The Metropolitan Museum of Art, don de John D. Rockefeller Jr., 1937
La plupart des coffres parvenus jusqu’à nous mesurent entre 1,50 mètre et 1,80 m de long ; certains sont plus petits, d’autres plus grands.

Petit coffre, chêne sculpté, serrure en fer plus tardive que la partie sculptée ; Angleterre ou Flandres, vers 1380-1450 ; Londres, Victoria and Albert Museum
La façade de ce coffre de petites dimensions – environ un mètre de long pour 45 cm de haut – est sculptée d’une scène de joute, évoquant la vie chevaleresque. Les chevaliers sont armures et leurs chevaux entièrement carapaçonnés.

Coffre monumental à double abattant dit « coffre de Poissy », Île-de-France, vers 1300 ; Paris, musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny
Rares sont les coffres de telles dimensions qui ont été conservés. Ce coffre robuste servait à stocker du grain – il pouvait en contenir jusqu’à deux tonnes. Il possède deux couvercles – un seul aurait été impossible à soulever par une seule personne – et il est divisé en deux parties par une cloison intérieure.
Article à consulter : les coffrets à décor d’estampes
Les coffres Renaissance
Au cours du 15e siècle, de nouveaux motifs venus d’Italie remplacent les fenestrages et les plis de serviette : cannelures, visages de profil, arabesques, grotesques… sans que la forme du coffre ne change.

Coffre dit d’Azay-le-Rideau, peut-être fabriqué dans le Val de Loire, bois de noyer, première moitié du16e siècle ; Paris, musée du Louvre, département du mobilier ©Philippe Fuzeau

Coffre d’Azay-le-Rideau, ouvert ©Philippe Fuzeau
Ce coffre ouvre sur le devant, ce qui n’a probablement pas toujours été le cas.

Coffre d’Azay-le-Rideau, détail des motifs sculptéscandélabres, grotesques) ©Philippe Fuzeau
À la fin du 15e siècle, artistes et amateurs d’art commencent à fouiller le sol de Rome. Ils y découvrent de luxueuses demeures, dont les murs sont recouverts de fresques en bon état de conservation. Ces édifices, érigés un millénaire et demi plus tôt, sont alors enfouis, évoquant des grottes, d’où le terme de « grotesque » pour qualifier leurs peintures. Les grotesques forment des ensembles foisonnants, mêlant candélabres, figures fantastiques, enroulements végétaux. Le succès immédiat. Murs, meubles et objets décoratifs de la Renaissance se couvrent de grotesques.

Panneau de grotesques, chêne, France, époque Renaissance ; Écouen, musée de la Renaissance © Mathieu Rabeau

Plafond de la loggia (aujourd’hui vitrée) de la villa Madame, décor conçu par Raphaël, en grande partie exécuté par ses élèves (Giulio Romano, Giovanni da Udine) ; 1520-1521 ; Rome
La villa Madame est une des premières villas suburbaines – c’est-à-dire construite en dehors de la ville –, en l’occurrence sur les pentes du Monte Mario, aujourd’hui englobé dans la capitale italienne. Ces villas, destinées à accueillir des fêtes, voulaient rivaliser avec celles de la Rome antique. Il est donc logique que leur décor s’inspire de leurs lointains modèles. Les contemporains ont affirmé que son décor surpassait celui de la Maison dorée érigée pour Néron tout près du Colisée.
Les visages de profil sont inspirés des médailles antiques.

Panneau (de façade ?) d’un coffre, bois de noyer sculpté, vers 1500-1535 ; Paris, musée du Louvre, département du mobilier et des objets d’art ©RMN-GP Stéphane Maréchalle

Leon Battista Alberti, « Autoportrait », bronze, Italie, 15e siècle ; Paris, musée du Louvre, département du mobilier et des objets d’art

Niccolò di Forzore Spinelli, « Laurent le Magnifique », médaille, bronze, 2e moitié du 15e siècle ; Florence, musée national du Bargello
En Italie, une nouvelle forme est apparue au 15e siècle : le coffre inspiré du sarcophage antique.

Coffre sarcophage, bois de noyer, milieu 16e siècle ; Paris, musée du Louvre, département du mobilier et des objets d’art ©RMN-GP/Philippe Fuzeau
Les inconvénients du coffre
Le coffre permet certes de ranger divers objets, mais n’est guère pratique. Pour y déposer ou en prendre un objet, il faut soulever un lourd couvercle, s’abaisser, voire s’agenouiller, fouiller d’une main tandis que de l’autre on maintient le couvercle. Lorsque l’objet recherché se trouve au fond du coffre, il faut vider celui-ci. Tous ces inconvénients expliquent la vogue immédiate de la commode, dont le nom évoque le caractère pratique. La commode, apparue vers 1700, est un coffre s’ouvrant en façade par des tiroirs qui permettent un rangement mieux ordonné. Son succès ne s’est jamais démenti.

Le Titien, « La Vénus d’Urbino », huile sur toile, 1538 ; Florence, musée des Offices