Country life et art contemporain au musée de la chasse

Sandrine Zilli, diplômée en histoire de l'art – école du Louvre
Angleterre, fin du XVIIIe siècle : alors que le pays vient d’entamer sa révolution industrielle, les citadins privilégiés idéalisent la ruralité. Les sports équestres – course, chasse à courre – sont très en vogue. C’est à cette époque que nous ramène la présentation, dans un décor d’écurie, d’une quarantaine de peintures de la collection Mellon.
Le milliardaire et amateur d’art Paul Mellon (1907-1999) a lui aussi, en plein XXe siècle, adopté ce mode de vie, entre ville – pour ses affaires – et campagne – pour sa vie personnelle et son élevage de chevaux. Paul et son épouse Bunny avaient saturé de tableaux de maîtres les murs de leur cottage d’Oak Spring en Virginie.

Une ode à la vie de plein air et au cheval :



Certaines œuvres reflètent plus le goût de madame Mellon, grande admiratrice de peinture française, notamment impressionniste :

En parallèle, le musée de la chasse et de la nature – très ouvert à l’art contemporain – accueille le travail du sculpteur japonais Kohei Nawa et de la plasticienne franco-polonaise Angelika Markul.

Kohei Nawa, culture ancestrale et technologie




Le cerf est sacré dans la culture japonaise ; il protégeait Nara lorsque celle-ci était la capitale du pays. Le sculpteur a acheté un cerf naturalisé, puis ses assistants l'ont enrobé d’une résine sur laquelle ils ont collé des milliers de billes de verre. Peu d’aléatoire et d’improvisation dans ce travail : chaque bille a été collée individuellement à un emplacement prédéterminé par l’artiste.

Notons que dans le cadre de Japonisme 2018 – qui marque le 160e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon –, Kohei Nawa expose une sculpture monumentale, Throne, sous la pyramide du Louvre jusqu’en janvier prochain.



Angelika Markul : Tierra del Fuego d’Angelika Markul ou la nécessité de se reconnecter à la Terre mère


L’artiste est un rêveur qui tente d’accomplir ses rêves. Le rêve d’Angelika Markul est d’accéder au grandiose de la nature, en l’occurrence à la beauté de la Terre de Feu, beauté puissante mais fragile et de plus en plus menacée. Ses glaciers si caractéristiques fondent peu à peu. C’est à ce désastre écologique qu’invite à réfléchir Tierra del Fuego, projet polymorphe mêlant films et sculpture, à la fois émotion artistique et prise de conscience citoyenne. Les Européens ont décimé les populations autochtones, maintenant c’est au tour des paysages de disparaître.


Version préhistorique du paresseux, le mylodon vivait dans l’extrême sud de l’Amérique. Sa disparition il y a environ 10 000 ans serait due au changement climatique – une glaciation – et peut-être aussi à l’intervention humaine. Avec cette œuvre – dépouille prise dans les glaces –, Angelika Markul révèle la mémoire des glaciers.
Angelika Markul utilise essentiellement la cire. En 2017, son Mylodon de Terre lui a valu le prix Maif pour la sculpture. La dotation de ce prix lui a permis de faire réaliser cette fonte en bronze, matériau pérenne mais très cher. L’ensemble est d’un seul tenant – la dépouille animale et son socle ne font en fait qu’un.




Brève histoire du musée de la chasse et de la nature :

En février 1967, André Malraux – alors ministre des Affaires culturelles – inaugure le musée de la chasse et de la nature installé dans l’hôtel Guénégaud dans le quartier du Marais à Paris. Quarante ans plus tard – en 2007 – le musée s’étend à l’hôtel voisin dit de Mongelas. Créé à l’initiative de la fondation Sommer, le musée interroge le rapport de l’homme à la nature et à l’animal ; l’utilisation raisonnable des ressources de la nature est un thème particulièrement d’actualité. Les œuvres des collections permanentes sont d’une grande variété – mobilier, tableaux, tapisseries, armes, animaux naturalisés. Quant aux expositions, fréquentes, elles font la part belle aux artistes contemporains.

Infos pratiques :
Musée de la chasse et de la nature : 62, rue des Archives, 75003 Paris. Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18 h ; nocturne le mercredi jusqu’à 21h30 (sauf en août).
Site du musée de la chasse
Site de la fondation Sommer

À lire :
Country Life. Chefs-d’œuvre de la collection Mellon du Virginia Museum of Fine Arts, catalogue sous la direction de Claude d'Anthenaise et Karen Chastagnol, éd. Snoeck, 128 p., 25 €

Sur le thème du cheval en art, je vous rappelle les deux expositions qui se tiennent jusqu'au 14 octobre prochain au domaine de Chantilly :
Peindre les courses