La révolution de l’ébénisterie

Le cabinet : un nouveau meuble pour une nouvelle technique

À partir du XVe siècle, l’Europe s’ouvre sur le monde ; elle en conquiert et en pille une bonne partie. À la fin du XVIe siècle, de nouveaux bois arrivent dans les ateliers de menuiserie, au premier rang desquels, l’ébène. Peu à peu, naît l’idée de plaquer une fine couche d’ébène sur un bâti de bois européen. Un meuble particulier accompagne la naissance et le développement de cette technique : le cabinet. Les premiers cabinets sont conçus aux Pays-Bas, dans les Flandres et les pays germaniques. Les Hollandais ont été les premiers à importer de l’ébène en Europe. Très dur, c’est un bois difficile à travailler ; exotique, donc rare et cher. Pour toutes ces raisons, on l’utilise avec parcimonie, exclusivement en placage.
Mesurant à peu près deux mètres de hauteur sur 1,80 m de longueur et 0,60 m de profondeur, c’est un meuble imposant, destiné à conserver de précieux objets de collection, des bijoux. Il se compose d’un rangement – une sorte de coffre mais s’ouvrant sur le devant par deux portes – posé sur de hauts pieds tournés. « Coffre » et piètement son indépendants mais conçus pour s’adapter l’un à l’autre. Les pieds sont reliés par une tablette d’entretoise sur laquelle on peut disposer des vases, par exemple des porcelaines chinoises. Le bleu et le blanc contrastent alors joliment avec le noir du bois – qui n’est pas partout de l’ébène, le piètement est en grande partie du bois européen noirci. Les cabinets étant placés contre un mur, l’arrière n’est jamais plaqué.
L’ébène est abondamment sculptée et gravée. D’un noir intense, elle devient brillante une fois polie.

Un meuble théâtral

Au fur et à mesure de l’ouverture, on va de surprise en surprise. Fermé, le cabinet est un meuble luxueux mais austère ; l’intérieur révèle, lui, une grande fantaisie. Une fois les deux grandes portes ouvertes, on distingue une niche centrale flanquée de tiroirs. Sur cette photographie, le volet dissimulant la partie centrale est ouvert, laissant deviner une scène de théâtre miniature.
L’œil du spectateur découvre une petite scène : un parquet de bois et d’ivoire conduit jusqu’à un damier noir et blanc flanqué de miroirs qui démultiplient l’espace et donnent l’illusion de profondeur. Des « fenêtres » d’ivoire et d’os teint en vert sont encadrées de colonnes d’écaille de tortue.
Le maître de maison pouvait impressionner un visiteur de marque en ouvrant son cabinet devant lui. Il lui dévoilait ainsi sa collection de médailles et autres objets précieux conservée dans ce meuble spectaculaire. Les images suivantes évoquent l'effet de surprise du visiteur en question.
Cet imposant cabinet a appartenu à George Gordon Meade, général américain pendant la guerre de Sécession, qui s’est notamment illustré à la bataille de Gettysburg. En 1884, le meuble a subi divers ajouts lors d’une imposante restauration assurée par la maison new-yorkaise Herter Brother, qui a d’ailleurs apposé son nom et la date à l’arrière du cabinet. Celui-ci n’en reste pas moins un bel exemple de ces cabinets conçus pour afficher la fortune et le goût de son propriétaire.
Le travail de l’ébène – qui est sculptée et gravée – fait jouer la lumière sur la surface du meuble, participant aux effets esthétiques.
L’ouverture des deux vantaux laisse apparaître deux petites portes au centre, entourées de petits tiroirs.
Les deux petites portes du centre sont désormais ouvertes, dissimulant les tiroirs. Le spectateur voit l’intérieur coloré de ces portes.

 

Le cœur du cabinet évoque un palais baroque. Des colonnettes d’ivoire partiellement teint supportent un plafond dont les motifs géométriques font écho au dallage noir et blanc du sol. De part et d’autre, des miroirs démultiplient les colonnettes.
Dans la seconde partie du XVIIe siècle, les techniques de marqueterie se diversifient ainsi que les matériaux utilisés. Nous y reviendrons dans la partie suivante, consacrée au style Louis XIV.