Créée en 2006, la galerie maison parisienne expose, toujours dans des lieux d’exception, les créations de ses « artistes de la matière » – ébénistes, maîtres du verre, du papier ou du textile. Rencontre avec sa fondatrice, Florence Guillier-Bernard, dans un éphémère showroom privé, un bel appartement parisien récemment rénové par l’architecte d’intérieur Olivia Stiegler.
Artiste, artisan ou encore artisan d’art ? On a parfois du mal à définir ces métiers créatifs aux confins du design et du geste technique. Vous parlez, vous, d’artiste de la matière.

F. G.-B. Nous avons créé ce terme justement pour nous affranchir de cette terminologie encombrante et abolir le fossé, à mon sens artificiel, entre artistes et artisans. C’est le travail de la matière que nous mettons à l’honneur, travail qui donne naissance à la fois à l’art et à l’artisanat.

Qu’est-ce qui vous a conduit à créer maison parisienne ?

F. G.-B. Je travaillais dans l’univers des cosmétiques de luxe. Lors de mes déplacements professionnels, je faisais souvent le même constat : partout dans le monde, on trouve les mêmes produits de luxe, de grande qualité certes, mais formatés pour plaire au plus grand nombre. En même temps, il y a une vingtaine d’années, l’artisanat d’art – la création contemporaine française – n’avait que peu de visibilité. Je me disais que bien des talents méritaient d’être mis en lumière. Je voulais faciliter les relations artisans d’art et collectionneurs. Peu à peu, est née l’idée de créer une galerie qui jouerait ces rôles. En deux ans, maison parisienne a pris son envol.

Certaines galeries vous ont-elles servi de modèles ?

F. G.-B. Aucune ! maison parisienne est totalement précurseur. En 2006, aucune galerie, aucune entité, ne jouaient le rôle qui est celui de maison parisienne aujourd’hui.

Le nom de votre galerie dit le lien à la France et plus particulièrement à Paris.

F. G.-B. Oui, tous les artistes représentés par maison parisienne sont français ou installés en France. Le lien à la France – à sa culture, ses savoir-faire – est au cœur de notre démarche. Tous ne créent pas dans la capitale, mais Paris est la ville iconique du luxe.

Présentez-nous vos artistes de la matière.

F. G.-B. Nous représentons une vingtaine d’artistes de la matière et travaillons ponctuellement avec une trentaine d’autres ; femmes et hommes aux âges et aux parcours très divers. Certains ont une longue carrière derrière eux, d’autres débutent. Certains sont autodidactes, d’autres se sont formés dans les meilleurs écoles d’art. Nous tissons des liens forts avec chacun d’entre eux.

 

Nous représentons Simone Pheulpin depuis nos débuts. Merveilleuse artiste du tissu – elle a mis au point une technique qui lui est propre – Simone a participé à notre toute première exposition et à toutes celles qui ont suivi. En 2021, nous célèbrerons ses quatre-vingt ans par une grande exposition itinérante.
Depuis 2017, nous mettons en valeur le travail de Pierre Renart, brillant ébéniste d’à peine trente ans, formé à l’école Boulle. L’année dernière, sa console Möbius est entrée dans les collections permanentes du MAD – musée des arts décoratifs de Paris. Pierre s’apprête à finaliser deux projets majeurs : l’installation de sept pièces de mobilier monumentales conçues pour le lobby du plus haut building de la City (le 22 Bishopsgate) et l’aménagement – du sol au plafond – d’un restaurant new-yorkais. Nous sommes très fiers de la reconnaissance internationale dont il jouit, fruit de son talent et, plus modestement, de notre travail.

Chaque année, nous faisons entrer de nouveaux artistes dans notre écurie. En 2020, nous avons eu le plaisir d’accueillir Julien Vermeulen – plumassier virtuose – et Coralie Laverdet, dont nous exposons en ce moment les œuvres de papier.

 

Maison parisienne est ouverte à toutes les techniques.

F. G.-B. Nous présentons des pièces de céramique, verre, textile, papier, plumasserie, vannerie ou métal. Le bois est très bien représenté avec plusieurs ébénistes et tourneurs sur bois.

Tous vos artistes sont différents. Un point commun les relie forcément.

F. G.-B. Évidemment : l’excellence ! Entre tradition et innovation ! Tous nos artistes sont avant tout des créateurs, leurs œuvres sont originales et innovantes. Ils associent parfaite maîtrise technique –ancrée dans une longue tradition – et créativité ; créativité qu’ils renouvellent sans cesse.

Maison parisienne organise de gigantesques visites très éphémères, dans des lieux hors norme.

F. G.-B. Tout à fait. Nous n’avons jamais disposé de galerie permanente. Nous exposons uniquement de manière ponctuelle dans de grandes villes, très ouvertes à l’international ; avec un attachement tout particulier à Paris, Bruxelles et Londres. On doit ce lien fort à nos clients qui sont en majorité parisiens, londoniens et bruxellois. C’est logiquement dans ces trois villes que nous avons cherché des lieux d’exception. Nous avons cependant exposé à Genève, Monaco, New York, Miami et Dubaï ; et la grande rétrospective dédiée à Simone Pheulpin se tiendra l’année prochaine à Paris et Londres bien sûr, mais nous envisageons de la présenter aussi à Venise, Séoul, Tokyo ou encore Abu Dhabi.

À ce propos, les expositions ont-elles des spécificités en fonction de la ville où elles se tiennent ?

F. G.-B. Quelques-uns de nos artistes, tels Simone Pheulpin et Pierre Renart, sont de tous nos événements. Néanmoins, nous essayons effectivement de nous adapter aux spécificités de chaque ville. Les collectionneurs britanniques étant particulièrement sensibles au travail de la céramique, à Londres, nous mettons en lumière plus d’artistes céramistes qu’ailleurs. Les Belges, très friands d’insolite et d’inédit, fonctionnent plus au coup de cœur. À Bruxelles, nous présentons donc le plus grand choix possible de matières. À Paris, les collectionneurs ont tendance à préférer des pièces plus petites.
Quatorze ans, après la fondation de maison parisienne, nous avons quarante-sept expositions à notre actif.

Dès votre première exposition, vous aviez vu les choses en grand : environ cent pièces créées par une vingtaine d’artistes, exposées dans les 500 m2 de la suite royale du Plaza-Athénée.

F. G.-B. Notre première exposition, en 2008, a en effet donné le ton à nos manifestations suivantes. Nous avons dès lors trouvé notre style : lieu exceptionnel, décor exceptionnel, collaboration exceptionnelle. Nous sommes restés très attachés au Plaza Athénée ; depuis nous y avons exposé sept fois.
Nous alternons expositions de grande envergure et expositions plus confidentielles. Mais quelque que soit le lieu, nous créons un moment privilégié pour nos collectionneurs. Nous passons, eux et nous, un moment unique. Nous les invitons dans une demeure, comme cet appartement parisien dans lequel nous vous accueillons, dans un décor mis en scène avec soin. C’est une expérience « sur-mesure ».

Vos expositions, éphémères, ne sont donc pas ouvertes au grand public ?

F. G.-B. Dans ces lieux d’exception, nous recevons collectionneurs, amateurs mais aussi architectes d’intérieur et décorateurs. Ce sont souvent des rendez-vous exclusifs, qui durent environ une semaine, un peu comme un salon. C’est la préparation en amont qui en fait la réussite. Chaque événement nous demande plusieurs mois de travail, voire une année. Et le résultat est toujours au-delà de nos espérances !

Comment sélectionnez-vous un lieu ?

F. G.-B. Plusieurs paramètres, d’ordre différent, entrent en ligne de compte. Hôtel particulier ou palace, abondantes dorures ou lignes épurées d’une villa de l’entre-deux-guerres, les bords du Lac Léman ou le cœur d’une grande ville, tout nous convient pourvu que le lieu ait une âme, une histoire. Nous avons exposé à hôtel Ciamberlani à Bruxelles, somptueux édifice de style art nouveau, aujourd’hui résidence de l’ambassadeur d’Argentine en Belgique. Nous nous sommes aussi installés dans les salons privés de la maison Christofle à Paris. Le choix d’un lieu se fait souvent à la suite d’une belle rencontre, un coup de foudre artistique entre maison parisienne et les responsables d’un lieu d’exception.


Vos expositions se tiennent-elles en parallèle d’autres manifestations (PAD, Art Brussels…) ?

F. G.-B. Cela arrive, mais ce n’est pas systématique. Au printemps 2019 par exemple, nous avons organisé La promenade du collectionneur à l’Hôtel Le Meurice – palace de la rue de Rivoli – en off du PAD, salon dédié aux arts décoratifs et au design qui se tient à deux pas, au jardin des Tuileries.

Nous avons évoqué les artistes de maison parisienne, les lieux fabuleux que vous investissez régulièrement ; présentez-nous le collectionneur type qui fréquente vos expositions.

F. G.-B. Il n’existe pas ! Les collectionneurs et amateurs d’art qui nous suivent sont aussi variés que nos artistes : du grand collectionneur d’art contemporain à la tête d’une fondation à l’amateur qui, de temps en temps, a un coup de cœur pour une pièce. Leur point commun : la recherche de l’émotion. Ils veulent découvrir des techniques, des matières, des textures exceptionnelles. Ils recherchent l’inédit, l’unique, l’insolite : le luxe ! Le dialogue qui s’établit entre les œuvres et les lieux est idéal pour susciter une telle émotion.

Quels sont vos souhaits quant au futur de maison parisienne ?

Continuer à accompagner nos artistes et à en révéler de nouveaux, en nous renouvelant sans cesse nous aussi. On se doit d’être à la hauteur de la créativité de nos artistes qui subliment la matière. Nous préparons pour fin 2020 une magnifique exposition dans un lieu chargé d’histoire.

Pour en savoir plus : site de maison parisienne

Visuel annonçant l’article : La promenade du collectionneur, appartement privé, Paris, 2020 ©Delphine Jouandeau