Magiques Licornes au musée du Moyen Âge, Paris

Sandrine Zilli, diplômée en histoire de l'art – école du Louvre
Cheval ou chèvre – voire un mélange des deux – avec une corne unique sur le front, la licorne est indissociable de l’imaginaire médiéval. Le musée du Moyen Âge lui consacre une exposition jusqu’au 25 février 2019.

Aquamanile en forme de licorne, alliage cuivreux, vers 1400 © RMN-Grand Palais (musée de Cluny, musée national du Moyen Âge) /G. Blot

Forme et fonction sont en accord parfait. L’aquamanile servait à se laver les mains avant un repas ou pendant la messe, dans une logique plus purificatrice qu’hygiénique. La licorne, à laquelle les hommes du Moyen Âge prêtaient des vertus purificatrices, était donc parfaitement appropriée à cet objet.

Le coffre est LE meuble du Moyen Age ; il sert à ranger tout ce qui doit l’être. Ce coffret devait serrer des bijoux ou autres petits objets précieux. Entièrement sculpté, il évoque les rapports entre les hommes et les femmes. À l’arrière (photo), un chasseur et ses chiens acculent une licorne. Deux phylactères nous éclairent : « Je chasse fidèlement » ; « Vous ne vous en repentirez point ». Sur le couvercle, une femme offre une bague à un homme, tandis qu’à l’avant du coffre, l’homme est soumis à la femme… la douce licorne transformée en épouse tyrannique ?

La Dame à la licorne est une tenture composée de six tapisseries – une pour chaque sens et une dernière constituant probablement la morale. En illustration : l’allégorie de la vue ; la jeune femme tient un miroir dans lequel se reflète l’animal fabuleux.
La licorne est souvent blanche – couleur associée à la pureté –, mais pas toujours. En Italie, elle est plutôt brune.

Les princes achètent la corne de licorne à prix d’or. Vous en verrez une dans l’exposition ; il s’agit en fait d’une dent de narval, mammifère marin pêché en Islande et au Groenland. On lui prêtait la vertu de purifier, de protéger des poisons. Dans les années 1580, le chirurgien Ambroise Paré est très dubitatif. Peu à peu le mythe décline ; et, au XIXe siècle, la science triomphante relègue définitivement l’animal dans la sphère du fantastique. Il continue cependant d’inspirer artistes, poètes et publicitaires :

Brève histoire du musée :

À l’emplacement de l’actuel musée s’élevaient au début de notre ère les plus grands thermes de Lutèce. Au XIIIe siècle, le puissant ordre monastique de Cluny – établi en Bourgogne – y fait construire un pied-à-terre, empiétant sur les thermes gallo-romains alors en ruine. La résidence abbatiale est agrandie et modernisée à la fin du XVe siècle. En 1832, Alexandre Du Sommerard (1779-1842), conseiller à la Cour des comptes y installe sa superbe collection d’œuvres médiévales. À sa mort, elle est acquise par l’État, qui crée le musée. Son premier conservateur est le fils d’Alexandre, Edmond du Sommerard.
Une vaste campagne de travaux a été entamée en 2015 et doit s’achever à l’automne 2020. Pendant ces travaux, une magnifique sélection d’œuvres est présentée : des couronnes votives des rois wisigoths aux chefs-d’œuvre des ivoiriers parisiens en passant la célébrissime Dame à la Licorne. Le visiteur a également accès au frigidarium – salle froide des thermes – tandis qu’une passerelle lui permet de voir les vestiges du caldarium – salle chaude. Un nouveau bâtiment, conçu par l’architecte Bernard Dumoulin, vient d’être inauguré. Il abrite l’accueil du musée et fait le lien entre vestiges antiques et résidence médiévale.

Infos pratiques :
site du musée
Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge : 28, rue du Sommerard, Paris 5e ; ouvert tous les jours sauf le mardi, de 9h15 à 17h45.

Magiques Licornes au musée du Moyen Âge, Paris