Le mobilier de Diego Giacometti pour le musée Picasso
Sandrine Zilli, diplômée en histoire de l'art – école du Louvre1985 : grâce à la dation – paiement de droits de succession en œuvres d’art – consentie aux héritiers de Picasso, l’État français fonde un musée, dans le quartier parisien du Marais. Quelques années plus tôt, Diego Giacometti avait reçu commande de son mobilier : un ensemble de cinquante pièces – chaises, bancs, tables basses et luminaires. Une exposition en retrace l’histoire. Par la même occasion, le musée présente ses nouveaux bancs, conçus par Isabelle Baudraz et fabriqués par la société Tectona.
Le lieu – l’hôtel Salé construit dans les années 1650 – est classique ; les œuvres de Picasso, très puissantes. Comment faire en sorte que l’un n’écrase pas l’autre ?
Pour Dominique Bozo – premier directeur du musée –, en confiant la réalisation du mobilier à un artisan de génie. Diego Giacometti (1902-1985) est sollicité, se fait prier un peu, et, à quatre-vingts passés, relève finalement le défi.
Souvent dans l’ombre de son frère – le grand Alberto (1901-1966) –, Diego Giacometti associait l’ambition artistique à la modestie et à la patience de l’artisan. Diego était d’une ferme douceur feutrée d’après son ami Henri Cartier-Breson.
Les maquettes en plâtre font un aller-retour entre l’atelier de Diego et le musée alors en plein chantier.
Sobriété et géométrie :
De peur que Diego ne décline la proposition face à l’ampleur de la tâche, la commande a d’abord été limitée aux deux lustres que l’on vient d’évoquer. Le reste du mobilier a été commandé ultérieurement.
Le plâtre était le matériau de prédilection de Diego qui l’avait découvert au temps de sa collaboration avec le décorateur Jean-Michel Franck dans les années 1930. Pour ce plafonnier et ce lustre à motif de feuilles, il a opté pour la résine, technique beaucoup plus récente présentant un double avantage : conserver la blancheur du plâtre et réduire le poids de l’œuvre. Le bronze aurait été trop lourd pour les plafonds de l’hôtel Salé. Ces deux luminaires témoignent du goût de Diego pour le végétal.
Bancs, chaises et torchères évoquent le mobilier romain retrouvé dans lors des fouilles de Pompéi. Plus qu’une influence directe – Domenico ne visitait guère les musées – cette parenté est le fruit de son goût quasi instinctif pour la simplicité.
Diego avait souvent eu la chance de voir ses meubles in situ, chez les époux Maeght par exemple où il était toujours le bienvenu. Terrassé par une embolie à l’été 1985, il n’aura pas connu le musée Picasso, inauguré à l’automne. Diego est enterré dans son village natal de Stampa, en Suisse, aux côtés d’Alberto.
2018 : un nouveau mobilier pour l’hôtel Salé
Trente ans après son ouverture, le musée Picasso commande un nouveau modèle de siège, dans le cadre d’un partenariat avec l’ÉCAL – école cantonale d’art de Lausanne. L’équipe du musée a porté son choix sur le projet d’Isabelle Baudraz, étudiante à l’ÉCAL.
Chaque banc se compose de onze lattes dont l’agencement permet à deux assises de s’imbriquer l’une dans l’autre afin d’obtenir différentes formes. Ces sièges en chêne seront donc modulables au gré des expositions – beaucoup plus fréquentes qu’il y a trente ans.
La fabrication est assurée par Tectona, entreprise française fondée en 1977. Spécialisée dans le beau mobilier d’extérieur, depuis quelques années, Tectona collabore avec des designers reconnus – les frères Bouroullec, Constance Guisset, Christophe Delcourt ou Inga Sempé pour n’en citer que quelques-uns.
L’exposition est à découvrir jusqu’au 4 novembre 2018 au musée national Picasso-Paris : 5, rue de Thorigny, 75003 Paris.
Informations pratiques : http://www.museepicassoparis.fr/informations-pratiques/
Autres sites à consulter :
Société Tectona : https://www.tectona.net/fr_fr/
École cantonale d’art de Lausanne : http://www.ecal.ch/fr/100/homepage
Isabelle Baudraz : http://isabellebaudraz.com/
Centre culturel suisse : http://www.ccsparis.com/
Ouvrages consultés :
Catalogue d’exposition sous la direction de Virginie Perdrisot-Cassan – conservatrice au musée Picasso-Paris et François Dareau, chargé de recherches au musée Picasso-Paris ; éd. Skira, 80 p., 25 €
Daniel Marchesseau (contributions de Jean Leymarie, Henri Cartier-Bresson et Dominique Bozo), Diego Giacometti, éd. Hermann, Paris, 1986 (réédition 2005), 216 p.