Arborescence Design, une âme boisée aux pensées florales
Sandrine Zilli
Jean-Pierre Cuny a créé Arborescence Design en 2018. En quelques années, il a élaboré un univers très personnel, où la nature occupe une place de choix. Zoom sur ses créations, toutes uniques, mettant en valeur les veines, les nœuds et les couleurs de l’acacia ou du noyer.

Jean-Pierre Cuny dans son atelier, en Île-de-France
Un long chemin vers la création
Certains parcours sont en ligne droite, d’autres plus sinueux ; celui de Jean-Pierre est en arborescence, tout est relié. La technique, la création et le bois sont présents dans sa vie dès l’enfance : un père technicien aéronautique, par ailleurs très bricoleur, un grand-père bûcheron garde champêtre et un arrière-grand-père ébéniste lui transmettent le goût d’imaginer, de fabriquer des maquettes avec des morceaux de bois, de plastique et quelques végétaux. Et depuis toujours sur fond de musique ! Ajoutons l’attrait de la nature, amplifié par les vastes espaces du Québec où il séjourne régulièrement pendant des années. Il y fait une rencontre décisive, celle d’André Julien, artisan fustier. La fuste est une technique de construction de maisons en bois rond, selon une pratique d’origine scandinave. Les rondins, découpés à la tronçonneuse, sont laissés bruts et empilés, sans clou ni vis. La construction est saine, l’isolation thermique excellente : le bois respire, régule son hygrométrie. Rapidement, Jean-Pierre se forme à l’art de la fuste à Lamazière-Basse (Corrèze) auprès d’un expert de cette technique, Thierry Houdart, puis se lance dans la réalisation de petites constructions : abris de jardin, bancs, tabourets. Ce petit mobilier est déjà axé sur l’utilisation du tronc. Il s’aventure peu à peu sur le chemin de la création, avec un déclic : une émission culinaire dans laquelle le chef étoilé Marc Veyrat explique comment il utilise des fleurs de montagne pour parfumer et décorer ses plats. C’est avec cette référence en tête – les fleurs comme inspiration – que Jean-Pierre crée la table haute Vibration.

Table haute « Vibration » (qui vue de haut ressemble à une fleur à pétales), acacia, métal, verre, hauteur : 1,16 m ; diamètre : 1,50 m ©Arborescence Design
L’acacia dans lequel a été fabriquée cette table haute était d’un diamètre important, rare à trouver. Elle a été taillée dans le pied du tronc qui est un peu plus large et échancré que sa partie haute.
Un univers personnel « floral et boisé »
Tables hautes, tables basses, sièges hauts, sièges bas : dès lors Jean-Pierre enchaîne les créations, élaborant peu à peu son identité visuelle : ni ligne droite – elle brise la fluidité –, ni redite – chaque pièce est unique. Un client, séduit par une œuvre vue sur un salon, commande la même. Or, chaque forme dépend du bois dans lequel elle est taillée, elle ne peut être absolument identique à une précédente, similaire bien sûr, jamais identique. La taille du tronc variera de quelques centimètres, le bois n’aura ni les mêmes nœuds ni la même couleur. Le commanditaire joue le jeu, non sans quelque appréhension – c’est celle qu’il a vue en exposition qu’il désire. L’artisanat nous déstabilise parfois, révélant notre accoutumance à la standardisation, elle-même fruit de l’industrialisation. Ne pas connaître exactement le résultat avant la livraison demande un effort.
Ses premières pièces associent au bois une structure de métal supportant des plateaux de verre. Chaque matière renvoie à un élément : le bois à la Terre, le métal au feu, le verre à l’eau ; et les trois – bois, métal et verre – à l’air. Un équilibre s’installe ente la dureté – du métal et du verre – et la tendreté du bois.

Table basse « Passion », acacia (hauteur : 70 cm, largeur : 90 cm), métal ©Arborescence Design
Les fleurs de métal épousent les formes naturellement sinueuses du tronc. L’acacia est un bois étonnant. En forêt, son tronc est rond, mais une fois l’écorce et l’aubier ôtés, il laisse apparaître toutes ses sinuosités, que le travail de Jean-Pierre met en valeur, tout en exploitant les imperfections du bois : nœuds et excroissances.

Table basse « Passion », acacia (hauteur : 70 cm, largeur : 90 cm), métal ©Arborescence Design
Le processus créatif commence par un croquis – l’idée telle qu’elle lui vient jetée sur le papier – et le choix d’un bois. Acacia et noyer ont sa préférence. Le bois est débité, puis travaillé à la tronçonneuse. Gouge, ciseaux à bois et bisaigüe complètent son outillage. Le métal est découpé, puis soudé. Jean-Pierre dessine les gabarits des formes de verre, puis les fait usiner par une société spécialisée.

Esquisse de la table basse « Passion » ©Arborescence Design

Logo d’Arborescence Design
Sur chaque pièce, Jean-Pierre Cuny appose son logo, qu’il a dessiné à ses débuts : ses initiales entrelacées (dont un P en forme d’arbre) surmontant le nom de son entreprise, Arborescence Design, appellation qu’il aimerait simplifier. C’est un beau nom, explicite et adapté à son parcours, mais un peu compliqué pour les non-francophones et qui ne facilite pas les recherches sur Internet. Aujourd’hui, il envisage de donner à son entreprise ses nom et prénom.

Tabouret haut « Pur » ©Arborescence Design
Pour Pur, Jean-Pierre a choisi la partie du tronc de l’acacia ayant des nœuds. Une fois écorcé, il a, à l’aide d’une tronçonneuse, enlevé le plus gros du bois à l’intérieur. Puis, les pieds ont été dégrossis à la disqueuse jusqu’à l’obtention d’une forme équilibrée. Enfin, le ponçage permet d’obtenir un grain très lisse, agréable au toucher.

Ensemble de tabourets hauts, modèle « Pur » ©Arborescence Design
De plus en plus vers l’épure
Jean-Pierre s’oriente dernièrement vers des pièces plus stylisées.

« Minéral », sculpture assise, noyer (bois au rendu chaud), 2021 ©Arborescence Design
À la fois, sièges bas, tables basses et sculptures, l’idée de Minéral est née d’une promenade au bord d’une rivière. Jean-Pierre a fait prendre la forme de rochers à des souches de noyer marquées de nœuds.

« Équilibre », noyer ©Arborescence Design
Équilibre se compose d’une pièce longue posée en équilibre sur une autre tout en courbes. Jean-Pierre envisage des collaborations, par exemple avec un maître bonzaï français rencontré dernièrement, Alexandre Escudero. Il imagine un assemblage de deux, voire trois pièces en bois, sur le modèle d’Équilibre, où prendrait place un arbre miniature ou une orchidée, dans l’esprit d’un jardin zen. Un banc inviterait à une halte, à la méditation. Le vivant entrerait ainsi dans ses créations.
L’évolution de ses recherches et les retours enthousiastes des amateurs qu’il croise sur les salons – et bien sûr de ses clients – l’encouragent sur cette voie. Il réfléchit aux moyens d’exposer davantage son travail tout en poussant plus avant sa démarche créative : intégrer des bonzaïs et des orchidées à ses pièces de bois, qu'il aimerait proposer à de grandes maisons affectionnant le monde végétal telles Dior ou Guerlain. Créateur à suivre !

©Arborescence Design
Pour en savoir plus : site d'Arborescence Design