Chez Cocteau à Milly
Sandrine Zilli
sandrine@histoiredumobilier.com
1947. Peu après le tournage éprouvant de La Belle et la Bête, les deux Jean – Cocteau et Marais – achètent une maison à la campagne, à soixante-dix kilomètres au sud de Paris, dans le Gâtinais. Si l’acteur n’y séjournait qu’épisodiquement, Cocteau passait une grande partie de l’année à Milly-la-Forêt, et ce, jusqu’à sa mort en 1963

Maison Jean Cocteau, côté ville © Laurence Godart
Une impasse pavée conduit le visiteur à l’entrée de la maison : une porte cochère et une porte piétonne surmontées de tourelles en encorbellement. Cette maison – dite du bailli – faisait autrefois partie des communs d’un château, aujourd’hui abandonné mais toujours d’un grand charme.

Maison Jean Cocteau, côté jardin © région Île-de-France, Christian Descamps
Loin des sonnettes du Palais-Royal
À Paris, Cocteau habite rue Montpensier, au Palais-Royal. Son appartement ne désemplit guère ; la vie y est stimulante, mais empiète sur le temps de création. À Milly, l’artiste a trouvé un cadre plus apaisé où les sollicitations mondaines sont moins nombreuses.
Peu de temps après l'achat de cette demeure, le couple mythique Cocteau-Marais se sépare ; ils poursuivront néanmoins leur collaboration artistique. Jean Cocteau partage alors sa vie avec Édouard Dermit, dont la douceur de caractère lui vaut le surnom de Doudou. Amant, jardinier, régisseur, chauffeur, compagnon d’opium ; ancien mineur de fond devenu un peu acteur, un peu peintre, Dermit s’est peu à peu englué dans ses addictions. Comment briller à l’ombre d’un soleil ? À la mort de Cocteau, Édouard hérite de la maison. Il fige immédiatement le grand salon, la chambre et le bureau de Cocteau. C’est grâce à lui que nous les voyons tels qu’ils étaient en 1963.
Un intérieur de style Castaing
Canapé en demi-lune néo-Louis XV, armoires et chaises néo-gothiques, trophées de chasse, imprimés léopard, motifs du papier peint détonnant avec ceux du tapis, quelques livres savamment disposés de-ci de-là… Ambiance cosy et hétéroclite, telle est la patte de Madeleine Castaing, galeriste et décoratrice d’exception qui a mis en scène le cadre de vie de nombreuses célébrités de l’après-guerre. À l’instar de Cocteau que l’on disait touche-à-tout et qui se disait « poète en tout », celle que l’on surnommait la « diva » ou la « magicienne » a décloisonné le monde de la décoration, créant un univers hybride aisément reconnaissable.

Le grand salon © région Île-de-France, Christian Descamps
Le soleil au-dessus de la cheminée a été offert à Cocteau par Coco Chanel, les biches flanquant la cheminée par Francine Weisweiller, toutes deux mécènes de la vie dispendieuse de Cocteau.

Moulage des mains de Cocteau © région Île-de-France, Christian Descamps

Hibou de bois sculpté, tête de bélier devenue nécessaire à opium, patte d’hippopotame transformée en bonbonnière © région Île-de-France, Christian Descamps

Bureau de Jean Cocteau, bureau Louis-Philippe, fauteuil néo-gothique © région Île-de-France, Christian Descamps

Bureau de Jean Cocteau, ancienne selle de chameau transformée en siège © région Île-de-France, Christian Descamps

Chambre de Jean Cocteau © région Île-de-France, Christian Descamps
Le lit à baldaquin est étonnamment placé dans l’angle de la pièce. Ainsi, allongé, le poète avait vue sur le château de la Bonde : cadrage cinématographique s'il en est !

Château de la Bonde © région Île-de-France, Christian Descamps
Les étages de la maison sont consacrés à la vie et l’œuvre de Cocteau et Marais.
Jean Cocteau et Édouard Dermit reposent dans la chapelle Saint-Blaise, que Cocteau avait entièrement peinte à la demande des habitants de Milly !
Pour en savoir +
Un grand merci à l’association des journalistes du patrimoine d’avoir organisé cette belle visite !