La fondation Maeght, l'art moderne parmi le thym et le romarin
Sandrine Zilli
sandrine@histoiredumobilier.com
La fondation Maeght, un lieu d’art moderne parmi le thym et le romarin 1950. Aimé Maeght, imprimeur et brillant galeriste parisien, acquiert une colline près du village de Saint-Paul-de-Vence. À peine quinze ans plus tard, à l’été 1964, André Malraux, ministre des Affaires culturelles, inaugure la fondation Maeght. Entre les deux dates : un drame familial.

Joan Miró, « Personnage », 1970, Jardin des sculptures de la fondation Maeght © Szilli

Pol Bury, « Fontaine », acier inoxydable, 1978, jardin de la fondation Maeght © Szilli
Une ode à la vie et à l’art
Marguerite et Aimé Maeght forment un couple harmonieux, uni, mais profondément meurtri par la mort de leur second fils, Bernard, en 1953. Il avait douze ans et souffrait d’une leucémie. De ce chagrin insondable allait naître un projet inédit en France. « Georges Braque m’a incité à entreprendre quelque chose qui m’aiderait à dépasser ma peine : un lieu d’art moderne parmi le thym et le romarin. Et Fernand Léger m’a dit : “Si tu fais ça, je t’apporte ma barbouille. Je peindrai même les rochers.” », explique Aimé. En deuil, les époux Maeght voyagent aux États-Unis, où ils visitent les fondations Barnes, Phillips et Guggenheim. Peu à peu naît l’idée de rassembler leur prodigieuse collection d’art contemporain dans un même lieu.
À qui confier la réalisation d’un bâtiment qu’Aimé et Marguerite souhaitent moderne, adapté à la lumière méditerranéenne, mettant en valeur les œuvres sans éblouir les visiteurs ? En visite chez Joan Miró sur l’île de Majorque, Aimé a la réponse : à Josep Lluís Sert, l’architecte de la maison-atelier de l’artiste catalan. Sert coiffe le musée de deux grands impluviums qui créent de l’ombre et recueillent l’eau de pluie pour alimenter les divers bassins du domaine.

Toit de la fondation Maeght, coiffé de deux impluviums © Szilli
En débroussaillant la colline, on avait découvert les vestiges d’une chapelle dédiée à saint Bernard. Pour la pieuse Marguerite, c’était un signe. La chapelle a été reconstruite et consacrée. Ornée par Georges Braque et Raoul Ubac, elle abrite un Christ espagnol du 12e siècle offert par le couturier Balenciaga à Marguerite Maeght.
Une formidable aventure artistique
Dans les années 1930, Aimé était imprimeur à Cannes. Le peintre Pierre Bonnard avait repéré le talent de lithographe du jeune homme, l’avait introduit dans le monde de l’art et la petite boutique de Marguerite était devenue une galerie de tableaux. Les Maeght étaient lancés. Peu à peu, la sûreté de leur goût, leur sens de la gestion et leur sociabilité en avaient fait d’exceptionnels marchands d’art contemporain et assuré leur fortune.
Marguerite s’éteint en 1977 et Aimé en 1981, l’année de l’élection de François Mitterrand. Le nouveau ministre de la Culture, Jack Lang, impulse une nouvelle orientation à la politique culturelle de la France. L’État se dote de structures lui permettant de promouvoir lui-même l’art contemporain. Puis, chez les Maeght, les liens familiaux se délitent, les héritiers se déchirent. Même si les grandes heures de la fondation de Saint-Paul-de-Vence – le temps où on y croisait André Malraux, les Pompidou, Miró, Chagall, Braque, Calder ou Giacometti – sont derrière elle, le lieu reste enchanteur et les expositions de qualité. L’exposition actuelle – Écoutez ! C’est l’éclipse – présente jusqu’au 15 juin 2025 le travail d’Hélène Delprat.

Une des cours de la fondation © Szilli
Josep Lluís Sert a intégré les arbres de la colline à son projet. Aucun n’a été abattu.

« Le Labyrinthe » : un muret de pierres sèches animé d’œuvres de Joan Miró, un des artistes les plus proches des Maeght © Szilli
Pour en savoir + :
À lire :
Yoyo Maeght (petite-fille de Marguerie et Aimé), « La saga Maeght », éd. Robert Laffont, 2014
Visiter la fondation Maeght est aussi l’occasion de se balader dans le village médiéval de Saint-Paul de Vence, fréquenté par de nombreux artistes, qui se retrouvaient à l'auberge de La Colombe d’Or.

Village de Saint-Paul de Vence (Alpes-Maritimes) © Szilli

Village de Saint-Paul de Vence (Alpes-Maritimes) © Szilli