De mystérieux coffrets à estampe
Sandrine Zilli, diplômée en histoire de l'art – école du LouvreEn 2020, le musée de Cluny (Paris) a exposé d’étranges coffrets pour la plupart en relation avec un peintre majeur des années 1500, Jean d’Ypres.
Ces coffrets de hêtre, réalisés en série, sont de qualité moyenne. Leur taille varie, mais pas leur forme, toujours rectangulaire. L’intérieur du couvercle (plat ou bombé) est orné d’une estampe. Ce couvercle comprend parfois une logette dans laquelle on devait glisser quelque chose – probablement une relique – qui dans tous les cas a disparu. Plus étrange, cette logette devenait inaccessible une fois le coffret définitivement cloué.
La fonction de ces coffrets – garnis de cuir, bardés de fer, munis d’une serrure et de passants pour enfiler une lanière – reste mystérieuse. Coffres de voyage ? Leur fragilité l’exclut ; plutôt un cartable de luxe ! En effet, leur format est aussi celui du livre. On y rangeait peut-être un ouvrage de dévotion. L’iconographie des gravures ornant l’intérieur témoigne d’une piété très émotionnelle, encourageant les fidèles à éprouver les émotions du Christ, de la Vierge et des saints.
Grâce au filigrane de leur papier, les estampes sont plus faciles à dater que les coffrets : elles sont de la toute fin du 15e siècle, époque de la Dame à la Licorne – que l’on peut admirer par la même occasion. D’ailleurs, tout laisse penser que les dessins préparatoires au tissage de cette tenture seraient de Jean d’Ypres.
Ces estampes sont des xylographies (gravures sur bois), mises en couleur au pochoir – ce qui explique les débordements de couleurs. Medium apparu dans les pays germaniques vers 1400, la gravure sur bois se répand en Italie dans la seconde moitié du 15e siècle et n’arrive en France que vers 1490.
Les estampes restées à l’abri dans un coffret – et par conséquent peu exposées à la lumière – sont assez bien conservées ; certaines ont tout de même souffert de deux facteurs d’altération : la rouille des clous et les insectes dévoreurs de papier.
Des artisans – graveurs, enlumineurs, verriers, lissiers ou ivoiriers – ont transposé les compositions magistrales du peintre Jean d’Ypres :
Plusieurs éléments rendent cette estampe exceptionnelle : son format (environ 50 cm de haut), sa composition – à la fois dense et facilement lisible – et sa mise en couleur de très grande qualité. Elle a été colorée par un enlumineur de grand talent ; on est loin ici de la technique schématique et répétitive du pochoir.
Infos pratiques :
Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge : 28, rue Du Sommerard, 75005 Paris. Pour en savoir plus, consulter le site du musée