Menuisiers et ébénistes, des origines différentes

Au 18e siècle, la plupart des menuisiers travaillant à Paris sont parisiens depuis plusieurs générations. En revanche, environ un tiers des ébénistes sont étrangers ou d’ascendance étrangère. Ils viennent principalement des pays germaniques et des Flandres, berceaux de l’ébénisterie. Les patronymes illustrant ce constat : Tillard, Delanois, Foliot, Carpentier, Boulard travaillent comme menuisiers ; Van Risen Burgh, Baumhauer, Weisweiler, Œben, Riesener comme ébénistes.
Les mariages entre familles de menuisiers étaient fréquents, tout comme ils l’étaient entre familles d’ébénistes. Cependant, bien que les deux métiers soient très proches, menuisiers et ébénistes ne se sont que rarement mélangés. Plusieurs explications sont avancées pour expliquer ce curieux refus d’alliance.
Tout d’abord, la question religieuse : les menuisiers étaient catholiques tandis que les ébénistes étaient souvent protestants. Par ailleurs, menuisiers et ébénistes ne vivaient pas dans les mêmes quartiers de Paris, ce qui ne favorisait pas les rencontres. Les menuisiers étaient rassemblés dans le quartier Bonne-Nouvelle, entre la place des Victoires et la porte Saint-Denis – la rue de Cléry concentrait à elle seule une soixantaine de menuisiers. Cela ne signifie pas, bien sûr, que la zone était interdite aux ébénistes, mais ils y étaient peu nombreux.
Les ébénistes, quant à eux, étaient largement majoritaires au faubourg Saint-Antoine : la rue du Faubourg-Saint-Antoine en comptait environ 80 pour seulement une dizaine de menuisiers ; et on peut supposer que ces derniers se consacraient plus à la fabrication de bâtis de meubles destinés à être marquetés qu’à la création de sièges.
Malgré leurs différences, menuisiers et ébénistes étaient réunis au sein de la même corporation et menaient la même existence laborieuse, souvent précaire.
À suivre : Maîtres, compagnons et apprentis