« Marchands de tout, faiseurs de rien », Denis Diderot, L’Encyclopédie
La mercerie n’a pas toujours été le modeste commerce qu’elle est devenue. Au Moyen Âge, les merciers sont chargés du négoce des tissus de luxe importés d’Orient. Au 18e siècle, les plus prestigieux fournissent tout le nécessaire à la décoration d’une demeure : tissu d’ameublement bien sûr, mais aussi cadres dorés, peintures, meubles et objets d’art. La liste n’est pas exhaustive.
Bien qu’ils ne fabriquent rien de leurs propres mains, ils ont leur corporation comme tout métier manuel. Leur profession est intellectuelle, donc prestigieuse ; dans notre culture, le travail de l’esprit a toujours été jugé plus noble que celui de la main. C’est ainsi qu’il faut comprendre la formule lapidaire de Diderot, peut-être pas si méprisante qu’on pourrait le croire aujourd’hui : ils ne fabriquent rien, mais vendent de tout.
Les statuts de la corporation des marchands merciers leur interdisent toute fabrication. Ils ne peuvent que transformer un objet. Et ils ne s’en privent pas, intégrant des panneaux de laque d’Extrême-Orient à des meubles fabriqués par les plus grands ébénistes du 18e siècle ou métamorphosant des porcelaines.

Vases chinois inspirés du bambou, céladon (porcelaine verte), vers 1700, enrichis d’une monture d’orfèvrerie exécutée en France au milieu du XVIIIe siècle, Londres, Victoria and Albert Museum
La porcelaine est un produit de luxe très prisé des riches Européens. Elle est importée, principalement de Chine. Les marchands merciers en achètent et se chargent de transformer ces objets afin qu’ils répondent encore plus au goût européen. En l’occurrence, ces céladons ont été montés sur un socle de bronze doré aux lignes courbes caractéristiques du style Louis XV. Ces vases ont dû ensuite prendre place dans un intérieur dont les boiseries reprenaient les mêmes sinuosités, à l’image de celui du baron de Besenval.

Henri-Pierre Danloux, « Le baron de Besenval dans son salon de compagnie », huile sur toile, 1791 ; Londres, National Gallery