par Sandrine Zilli
Dossier droit ou arrondi, siège profond et confortable, accotoirs imposants, on connaît tous sa silhouette, même si on ignore son nom. Dimitri Gru, créateur et restaurateur de fauteuils club près de Compiègne (Oise, Hauts-de-France), nous présente ce siège entièrement garni de cuir.
Dimitri Gru dans son atelier
Qu’est-ce qu’un fauteuil club ?
D. G. : Comme son nom nous le rappelle, ce fauteuil est né dans les clubs de gentlemen anglais de la fin du XIXe siècle. À l’image de ces lieux, il est cossu, sobre et élégant. Rapidement, le fauteuil club a franchi les frontières britanniques et est même devenu une spécialité française. Ses lignes ont quelque peu évolué au fil du temps : d’abord très courbes, puis droites et épurées à l’époque Art déco (dans l’entre-deux-guerres). Après la Seconde Guerre mondiale, on a dessiné de nouvelles formes – par exemple le dossier en moustache – pour relancer sa fabrication.
Et comment est-il fabriqué ?
D. G. : Malgré quelques évolutions, il est toujours fabriqué de la même manière. Le châssis est en hêtre – bois très résistant, souvent utilisé pour les sièges – et les pieds, seule partie en bois visible, en chêne, plus esthétique que le hêtre. J’achète mon bois à une scierie de la région qui, elle, s’approvisionne dans les forêts de l’Oise.
L’assemblage des différentes pièces de bois composant le châssis du fauteuil (son ossature) se fait par tenons et mortaises, et un peu de colle.
Une fois le châssis monté, des sangles sont tendues sur l’assise et le dossier ; sangles sur lesquelles sont cousus des ressorts biconiques – dont les spires ne se touchent jamais. Ces ressorts résistent à la compression quand l’utilisateur du fauteuil s’assoit et remontent systématiquement quand il se relève.
Dimitri procède au guindage du siège : il fixe chaque ressort dans son axe à l’aide d’une cordelette de lin. Ces ressorts – il y en a entre 16 et vingt sur l’assise – sont gage de souplesse et de confort.
Notons que les pieds de chêne ne sont pas encore installés.
Basanes (peaux de mouton) avant d'être teintes.
La basane est de « pleine fleur » !
D. G. : La fleur est la surface de la peau, là où sont implantés les poils. Le cuir pleine fleur garde les traces des plis naturels de l’animal, mais aussi ses cicatrices de griffure, de piqûre. Ce sont ces irrégularités qui donnent à chaque fauteuil club son caractère unique. Le tannage végétal – sans produit chimique – permet à la peau de prendre la teinte plus harmonieusement. Je reçois la basane brute (de couleur fauve, tirant sur le jaune), puis je la teins en fonction du souhait du client en passant 3 à 4 couches de teinture.
Comment s’applique la basane sur le fauteuil ?
D. G. : Toujours mouillée, ce qui permet de la travailler plus souplement. On la laisse sécher pendant deux jours, puis on applique une cire qui, peu à peu, s’incruste dans les marques précédemment évoquées. La basane vieillit très bien ; elle se patine harmonieusement.
Le club est donc toujours garni d’une peau de mouton.
D. G. : Traditionnellement, oui. Mais, il peut l’être d’une peau de vachette ; cela dépend de l’usage qui sera fait du fauteuil. Moins onéreuse, la vachette ne nécessite aucun entretien. Elle résiste bien aux tâches – de nourriture ou de boisson –, elle est donc privilégiée pour les lobbys d’hôtels ou de restaurants, mais contrairement à la basane, elle ne se patine pas au fil du temps. Incontestablement, la basane reste le must du fauteuil club.
Échantillon d’une patine de basane
Cuir de vachette teint
Échantillon des différentes couleurs proposées
Vous travaillez donc à la fois le bois et le cuir – qu’il faut découper, coudre et teindre.
D. G. : Exactement ; le travail est varié.
Ce fauteuil met en évidence chaque étape de la conception d’un fauteuil club.
Dimitri est en train de coudre un passe-poil (une fine cordelette de coton insérée dans le cuir pour former un bourrelet). Ici : en cuir de vachette.
Dimitri applique la cire qui nourrit le cuir et protège la teinte.
Étape ultime (mais pas systématique) : pose de clous à l’effet très décoratif.
Les couleurs du fauteuil club restent, elles, très classiques : fauve, marron, chocolat, etc.
D. G. : Dans l’ensemble, oui, ce sont les couleurs privilégiées par nos clients. On ne s’en lasse pas, elles n’agressent pas l’œil. Cela dit, nous avons réalisé pour un revendeur de Tahiti un ensemble de fauteuils (six) aux couleurs vives – jaune, orange – en accord avec les couleurs polynésiennes. Nous proposons un large choix de couleurs, nous déclinons quelques variantes du fauteuil club et proposons divers accessoires à marier aux fauteuils.
Fauteuil club bar, rangement ouvert et tablette rabattue
Le fauteuil club bar par exemple possède un rangement sous l’accoudoir droit ou gauche en fonction du choix du client. Totalement invisible lorsqu’il est fermé, ce rangement peut contenir jusqu’à six bouteilles et trois verres. L’ouverture se déclenche par pression sur le coffre. À l’extrémité de chaque accotoir, une tablette rabattable permet à l’utilisateur du fauteuil de poser une bouteille et un verre.
Fauteuil club bar, rangement ouvert
Dimitri cire la tranche d’un repose-verre amovible, que l’on peut par exemple poser sur la table basse située à proximité du fauteuil club.
Le fauteuil club est en vogue aujourd’hui.
D. G. : Oui, mais qu’entend-t-on par fauteuil club ? Un fauteuil fabriqué en usine, dans des pays aux normes peu contraignantes. Un tel fauteuil club, souvent acheté sur une plateforme, durera quelques années ; un club fabriqué artisanalement restera confortable et élégant pendant une quarantaine d’années. Forcément le prix n’est pas le même. Ce qu’un client achète chez Gru – ou chez d’autres fabricants indépendants – c’est la qualité des matériaux et du travail artisanal, une couture et le cas échéant un cloutage faits à la main, avec des matériaux de très bonne qualité.
À ce propos, combien de temps faut-il pour fabriquer ou restaurer un fauteuil club ?
D. G. : Pour le fabriquer, environ 35 heures de travail, réparties sur deux semaines puisque plusieurs jours de séchage sont nécessaires entre différentes étapes du travail du cuir. Il faut par exemple quatre heures pour construire l’assise à ressorts. Concernant la restauration, Il faut entre quinze et trente heures ; tout dépend des restaurations nécessaires. Le cuir n’a pas besoin d’être entièrement remplacé, seules les parties abîmées le sont.
2 fauteuils club à restaurer, atelier Gru
Carcasse ancienne de fauteuil club. Dimitri a retiré l’ensemble de la garniture afin de restaurer intégralement ce siège. Tout autour du dossier et des devants d’accotoir se distinguent nettement les traces de semences (les clous qui fixaient la garniture).
Quand avez-vous créé votre atelier – qui porte votre patronyme ?
DG. : En 2016, après avoir travaillé une vingtaine d’années comme ébéniste pour la maison Rinck, spécialiste du meuble de luxe, au faubourg Saint-Antoine à Paris. Depuis leurs ateliers ont déménagé à Charleville-Mézières.
Quel bilan tirez-vous de vos sept années d’activité ?
DG. : un bilan satisfaisant. Comme bien des artisans, j’ai dû être très polyvalent : fabriquer mes sièges bien sûr, mais aussi m’occuper de la comptabilité, de la com’. J’ai parfois tâtonné, commis quelques erreurs de débutant, mais créer mon propre atelier correspondait à un souhait profond et je suis content de son développement. J’ai embauché une couturière à mi-temps, en freelance, et en septembre prochain, nous allons accueillir une apprentie.
Dimitri au tour à bois. Il réalise des cartes de visite rondes en buis. Le cylindre de bois est ensuite découpé en rondelles sur lesquelles il applique le logo d’Atelier Gru.
Pour en savoir plus : site de l'atelier Gru ; Instagram
par Sandrine Zilli
Dossier droit ou arrondi, siège profond et confortable, accotoirs imposants, on connaît tous sa silhouette, même si on ignore son nom. Dimitri Gru, créateur et restaurateur de fauteuils club près de Compiègne (Oise, Hauts-de-France), nous présente ce siège entièrement garni de cuir.
Dimitri Gru dans son atelier
Qu’est-ce qu’un fauteuil club ?
D. G. : Comme son nom nous le rappelle, ce fauteuil est né dans les clubs de gentlemen anglais de la fin du XIXe siècle. À l’image de ces lieux, il est cossu, sobre et élégant. Rapidement, le fauteuil club a franchi les frontières britanniques et est même devenu une spécialité française. Ses lignes ont quelque peu évolué au fil du temps : d’abord très courbes, puis droites et épurées à l’époque Art déco (dans l’entre-deux-guerres). Après la Seconde Guerre mondiale, on a dessiné de nouvelles formes – par exemple le dossier en moustache – pour relancer sa fabrication.
Et comment est-il fabriqué ?
D. G. : Malgré quelques évolutions, il est toujours fabriqué de la même manière. Le châssis est en hêtre – bois très résistant, souvent utilisé pour les sièges – et les pieds, seule partie en bois visible, en chêne, plus esthétique que le hêtre. J’achète mon bois à une scierie de la région qui, elle, s’approvisionne dans les forêts de l’Oise.
L’assemblage des différentes pièces de bois composant le châssis du fauteuil (son ossature) se fait par tenons et mortaises, et un peu de colle.
Une fois le châssis monté, des sangles sont tendues sur l’assise et le dossier ; sangles sur lesquelles sont cousus des ressorts biconiques – dont les spires ne se touchent jamais. Ces ressorts résistent à la compression quand l’utilisateur du fauteuil s’assoit et remontent systématiquement quand il se relève.
Dimitri procède au guindage du siège : il fixe chaque ressort dans son axe à l’aide d’une cordelette de lin. Ces ressorts – il y en a entre 16 et vingt sur l’assise – sont gage de souplesse et de confort.
Notons que les pieds de chêne ne sont pas encore installés.
Basanes (peaux de mouton) avant d'être teintes.
La basane est de « pleine fleur » !
D. G. : La fleur est la surface de la peau, là où sont implantés les poils. Le cuir pleine fleur garde les traces des plis naturels de l’animal, mais aussi ses cicatrices de griffure, de piqûre. Ce sont ces irrégularités qui donnent à chaque fauteuil club son caractère unique. Le tannage végétal – sans produit chimique – permet à la peau de prendre la teinte plus harmonieusement. Je reçois la basane brute (de couleur fauve, tirant sur le jaune), puis je la teins en fonction du souhait du client en passant 3 à 4 couches de teinture.
Comment s’applique la basane sur le fauteuil ?
D. G. : Toujours mouillée, ce qui permet de la travailler plus souplement. On la laisse sécher pendant deux jours, puis on applique une cire qui, peu à peu, s’incruste dans les marques précédemment évoquées. La basane vieillit très bien ; elle se patine harmonieusement.
Le club est donc toujours garni d’une peau de mouton.
D. G. : Traditionnellement, oui. Mais, il peut l’être d’une peau de vachette ; cela dépend de l’usage qui sera fait du fauteuil. Moins onéreuse, la vachette ne nécessite aucun entretien. Elle résiste bien aux tâches – de nourriture ou de boisson –, elle est donc privilégiée pour les lobbys d’hôtels ou de restaurants, mais contrairement à la basane, elle ne se patine pas au fil du temps. Incontestablement, la basane reste le must du fauteuil club.
