« Georges Gasté, un Orient sans mirages » :
le musée Lambinet fait dialoguer l’Orient et l’Occident
Sandrine Zilli, diplômée en histoire de l'art – école du LouvreLe musée Lambinet poursuit son hommage aux peintres orientalistes. Après André Suréda au printemps dernier,
les œuvres de Georges Gasté (1869-1910) sont à découvrir jusqu'au 18 février prochain.
Un Orient vécu, pas seulement rêvé :

Georges Gasté, "L’Heure sainte au Maghreb", huile sur toile, 1896, collection particulière ©Pierre de Sommyèvre
Après une solide formation académique dans l’atelier d’Alexandre Cabanel aux Beaux-Arts, Gasté part au Maroc en 1892. La lumière du Sud est une révélation. Il vit successivement en Algérie, en Egypte puis en Inde. Il meurt – ou plutôt se laisse mourir de découragement – à Madurai (dans le sud de l’Inde) en 1910. Il a 41 ans dont dix-huit passés en « exil ». Après sa mort, il est oublié en quelques années. Aucun marchand ne le représente et, celui qui aurait pu entretenir sa célébrité, son cousin Henri Bérard – qui l’a toujours soutenu – est gazé à Verdun. Il y a quelques années, Aude de Tocqueville découvre les archives de Gasté par le plus grand des hasards, dans une maison d'un petit village bourguignon où elle avait été invitée. Débute alors la reconstitution d'un parcours très particulier.
Se tenant rigoureusement à l’écart des mondanités coloniales, Gasté peint et photographie les indigènes sans stéréotypes, ni souci du pittoresque, "se contentant" de rendre les traits, la personnalité et le quotidien des gens dont il partage l'existence.

G. Gasté, "Jeune femme du Caire", 1904. Grand portraitiste de la femme, comme son maître Cabanel, Gasté rend à merveille carnations, étoffes et bijoux.

"Laveuses bédouines de l’oued de Bou Saâda" (Algérie), photographie. Gasté a passé quatre ans, de 1894 à 1898, dans cette oasis aux portes du désert.

G. Gasté, "La Terrasse de Sitta, Agra", 1906. Après un passage par Tanger et Tunis, Gasté embarque pour Ceylan en août 1905, puis rejoint le nord de l'Inde. A l'arrière-plan, le Taj Mahal se reflète dans les eaux de la Yamuna.

G. Gasté, "Portrait d’homme du Caire", 1899, collection particulière. En 1899, Gasté arrive au Caire. Il y reste quatre ans, dans un quartier populaire près de la mosquée Al-Azhar. Ce tableau a conservé son encadrement d’origine, en accord parfait avec le modèle.

Détail du cadre de bois sculpté de formes géométriques inspirées des motifs décoratifs du monde de l'Islam, par exemple deux carrés imbriqués l'un dans l'autre formant une étoile.

Autre détail de ce cadre.
Bien qu’exilé du microcosme artistique parisien, Gasté aspire à la reconnaissance ; et le succès est au rendez-vous : il reçoit éloges et et récompenses, et ses œuvres se vendent bien.
Dans l'exposition, les œuvres de Gasté dialoguent avec celles d’artistes contemporains :

Georges Gasté, "Jeune fille au foulard de Bou Saâda", 1896, collection particulière © Pierre de Sommyèvre

Nadia Benchallal, "Algériennes", photographie ©Nadia Benchallal. Une jeune Algérienne d'aujourd'hui parée de vêtements et de de bijoux anciens telle une modèle de Gasté un siècle plus tôt.
Musée Lambinet : 54, boulevard de la Reine, 78000 Versailles. Ouvert tous les jours sauf le vendredi, de 14 heures à 18 heures. Cette exposition, qui se tient jusqu’au 18 février 2018, est aussi l’occasion de voir ou revoir les superbes collections du musée Lambinet, installées dans un élégant hôtel particulier d’époque Louis XV. http://www.versailles.fr/culture/etablissements/musee-lambinet/
Quelques suggestions de lecture :
- Georges Gasté, Un Orient sans mirages, catalogue de l’exposition, éd. Gourcuff Gradenico, 114 p.
- Aude de Tocqueville, Georges Gasté, traquer le soleil dans l’ombre (1869-1910), préface de Yasmina Khadra, éditions Arthaud, 2013.
- Mathias Enard, Boussole, Actes Sud, prix Goncourt 2016