Le cassone, superbe cadeau de mariage dans l’Italie de la Renaissance
Dans la Toscane du 15e siècle, puis dans d’autres régions d’Italie, le cassone (cassoni au pluriel) est un luxueux coffre que l’on offre à une jeune mariée afin qu’elle y range son trousseau. Giorgio Vasari en parle dans sa « Vie de Dello Delli » (v. 1404-1450), peintre plus habile à rendre les petites figures que les grandes. Ce fut une chance pour lui car, à cette époque, l’usage voulait qu’on mît dans les chambres, pour servir de coffres, de grandes caisses en bois ressemblant à des cercueils, avec des couvercles de différentes formes ; tout le monde tenait à en faire peindre. On représentait des scènes sur le devant de ces coffres, sur le côté et parfois ailleurs ; on y plaçait les armes ou les emblèmes de la famille. Les sujets peints sur le devant étaient généralement tirés d’Ovide et d’autres poètes, ou d’historiens grecs ou latins, mais on y voyait aussi des chasses, des joutes, des épisodes de romans courtois, au goût de chacun. L’intérieur était capitonné de toile ou de drap, selon le rang et la richesse de ceux qui le commandaient, pour mieux y conserver les vêtements et autres choses précieuses […].
D’une grande variété, ces cassoni sont richement décorés, à la fois sculptés, dorés et parfois peints de scènes figuratives, évoquant les noces ou de célèbres histoires d’amour – qui ne finissent pas toujours bien !

Cassone, bois peint et doré, enrichi de figures modelées en plâtre, v. 1430-1440 ©Londres, Victoria and Albert Museum
L’histoire de ces coffres s’est presque toujours perdue. Nous ignorons l’origine précise de celui-ci. Le musée londonien l’a acheté au 19e siècle à un marchand anglais installé à Fiesole (tout près de Florence) ou à un marchand milanais. En revanche, il est intact ; il a même conservé son socle d’origine.
Les cassoni étaient souvent fabriqués par paire. C’est le cas de celui qui suit, qui adopte la forme du sarcophage antique. Les deux – aujourd’hui conservés à Londres – ont probablement été réalisés à l’occasion de l’accession de Côme Ier de Médicis (1519-1674) au rang de duc de Florence et de Sienne. Plusieurs éléments du décor, par exemple les figures de captifs aux angles du coffre, feraient référence au triomphe de Côme sur les Siennois en 1555. Ces captifs sont vêtus à la manière des Daces de l’Antiquité.

Cassone en forme de sarcophage, noyer sculpté et partiellement doré, années 1560 ; Londres, Victoria and Albert Museum

Cassone en forme de sarcophage (détail d’un angle), Londres, Victoria and Albert Museum

Portrait d’une femme en rouge, huile et tempera sur bois, vers 1460-1470 ; Londres, The National Gallery
Ce genre de portrait montrant la richesse et les qualités morales d’une jeune femme était généralement commandé à l’occasion de son mariage. Son voile et les perles ornant sa coiffe évoquent sa pureté.

Il Pisanello, Portrait d’une princesse de la maison d’Este », huile sur bois, entre 1425 et 1450 ; Paris, musée du Louvre, département des peintures italiennes
La représentation de profil, empruntée à l’art de la médaille très en vogue à la Renaissance, permet à la jeune femme de ne pas regarder le spectateur, preuve de sa modestie. La ligne du profil est accentuée par un front fortement bombé et épilé.

Il Pisanello, Portrait d’une princesse de la maison d’Este », huile sur bois, entre 1425 et 1450 ; Paris, musée du Louvre, département des peintures italiennes ©GP-RMN/Franck Raux
C’est à ces mêmes jeunes femmes que l’on offrait un plateau d’accouchée (desco da parto) à l’occasion de la naissance de leur premier enfant. Ces plateaux portent souvent la représentation d’une jeune femme encore alitée recevant les félicitations d’autres femmes.

Plateau d’accouchée, huile sur bois, Italie, 15e siècle © The Detroit Institute of Arts, don de M. K. T. Keller
Si certains cassoni sont restés intacts, beaucoup ont été démembrés au fil du temps, les scènes narratives devenant alors des tableaux indépendants. C’est leur format, long et étroit, qui rappelle leur fonction d’origine.
Le panneau Andimari, cassone, dossier ou spalliera ?

Cassone Andimari, panneau de bois peint attribué à Lo Scheggia (frère de Masaccio), vers 1450, Florence, Galleria dell’Accademia
Cette scène nous plonge au cœur de l’élite florentine du quattrocento. Nous assistons à des noces – impossible de savoir lesquelles – sur la place du Dôme (la cathédrale). Le baptistère, partiellement drapé pour l’occasion, est bien reconnaissable à l’arrière-plan. Un long dais est tendu entre une maison (sur la droite) et une galerie (sur la gauche), sous lequel défilent des couples somptueusement vêtus. Sous la loggia, des serviteurs s’activent tandis que des musiciens, assis sur une estrade joliment peinte, animent la cérémonie.

Détail d’une tapisserie de laBaptistère de la cathédrale de Florence de la Vie de Saint-Étienne, laine et soie, vers1500 ; Paris, musée de Cluny (musée national du Moyen Âge) ©Jean-Gilles Berizzi

Visuel : Cassone Adimari (détail) ; Florence, Galleria dell’Accademia
Le « cassone Adimari » est souvent considéré comme le panneau avant d’un cassone, mais il pourrait aussi s’agir d’une autre pièce d’ameublement, du dossier d’un long banc particulièrement luxueux sur lequel on ne s’asseyait qu’avec précaution, ou encore une spalliera (un décor mural). En effet, comme le précise Vasari : On ne décorait pas seulement les coffres, mais aussi les banquettes, leurs dossiers, les encadrements de boiserie et les différentes pièces d’ameublement qui composaient alors les somptueux décors des chambres dont on peut voir d’innombrables exemples à Florence.
Outre ces scènes évoquant des fêtes de mariage, de nombreux cassoni sont illustrés d’histoires d’amour puisées dans la Bible ou la culture païenne. Ces épisodes ont en commun d’être passionnés, tourmentés, voire violents.

Sandro Botticelli, « Mars et Vénus », tempera sur bois, vers 1483 ; Londres, National Gallery
La déesse de l’Amour et de la Beauté regarde le dieu de la Guerre, endormi et désarmé, de petits satyres jouant avec sa lance, son casque et son armure. L’Amour aurait-il vaincu la Force ?

Girolamo del Pacchia « L’enlèvement des Sabines », huile sur bois, vers 1520, Malibu, J. Paul Getty Museum
Au tout début de leur histoire, les Romains, manquant de femmes, ont enlevé celles d’un autre peuple italique, les Sabins. Ils avaient convié leurs rivaux à des fêtes et les avaient enivrés avant de s’emparer de leurs femmes. Forcées, ces dernières étaient finalement devenues épouses, et surtout mères, de Romains. Étonnant cadeau de mariage que cette scène de viol.
Les tableaux latéraux de cassoni – à peu près carrés – ont aussi été conservés.

Panneau latéral de cassone, « Vashti quittant Suse » ; Florence, musée Horne