Atelier Bobin, l'art de la restauration textile
Sandrine Zilli
sandrine@histoiredumobilier.com
L’atelier Bobin, fondé il y a plus d’un siècle à Montrouge et aujourd’hui installé dans le Val-de-Marne, nettoie et restaure les œuvres textiles : des gigantesques tapis du Mobilier national à la tapisserie de famille. Rencontre avec sa directrice, Béatrice Pommeret.
Que fait exactement l’atelier Bobin ?
B.P. : Tout ! De A à Z. Nous nous chargeons du transport, du nettoyage et de la restauration de tapis et de tapisseries de toutes les époques.
À ce propos, quelle est la différence entre un tapis et une tapisserie ?
B.P. : Pour faire simple, en Europe la tapisserie est une œuvre tissée : fils de chaîne et fils de trame s’entrecroisent, tandis que le tapis est fait de brins de laine accrochés à la chaîne . Sur une tapisserie le fil est vu sur sa longueur ; sur un tapis, dans son cœur, ce qui produit des effets très différents. La tapisserie est accrochée aux murs, le tapis posé au sol. En Europe, on fabrique des tapisseries depuis le Moyen Âge et des tapis depuis le 17e siècle.

Détail d’une tapisserie en cours de restauration chez Bobin. Notons que la tapisserie n’est pas forcément restaurée dans le sens de son exposition, les jambes seront bien sûr exposées à la verticale © szilli

Détail d’un tapis en cours de restauration chez Bobin © szilli
Dans les deux cas, c’est une histoire de fil ?
B.P. : Tout à fait ! Le fil est un matériau extraordinaire : fin, il semble fragile. Or, bien travaillé, il permet de réaliser des œuvres monumentales capables de traverser les siècles.

Fils de laine de l'atelier Bobin © Christelle Piton. Le fil se compose de plusieurs brins que l’on peut mélanger pour obtenir n’importe quelle nuance.
Tapis et tapisseries sont très décoratifs.
B.P. : Certes, mais outre leur caractère décoratif, tapis et tapisseries sont d’excellents isolants – thermique et phonique ! Leur usage n’est donc pas d’un autre temps. Vos voisins se plaignent de vous entendre marcher au-dessus de leur tête ? Recouvrez vos sols de grands tapis ! Votre appartement est froid, humide malgré le chauffage moderne ? Recouvrez vos murs de tapisseries !
Qui sont vos clients ?
B.P. : Ça change d’une année sur l’autre, mais grosso modo à 60 % les services de l’État – Mobilier national, Centre des monuments nationaux… – et à 40 % des particuliers – collectionneurs ou simples héritiers. Ces derniers entretiennent souvent un lien sentimental fort avec le tapis ou la tapisserie qu’ils ont toujours connu dans leur famille, à tel endroit chez les grands-parents, mais ignorent souvent la valeur technique et historique de ce patrimoine. Je leur explique ce que les restaurateurs vont faire. Et souvent ils me disent « Je n’avais jamais remarqué tout ça, désormais je ne le/la regarderai plus de la même manière ».
Justement, que font vos restaurateurs ?
B.P. : Il y a deux grandes étapes : avant toute restauration, logiquement il faut nettoyer le tapis ou la tapisserie. Deux employés travaillent au nettoyage, quatre à la restauration.

Nettoyage d’un tapis chez Bobin © Christelle Piton
Une fois dépoussiéré, lavé, rincé et séché, le tapis ou la tapisserie passe dans l’atelier de restauration.

Restauration à l’aiguille d’une tapisserie chez Bobin © Christelle Piton
Justement, que font vos restaurateurs ?
B.P. : Il y a deux grandes étapes : avant toute restauration, logiquement il faut nettoyer le tapis ou la tapisserie. Deux employés travaillent au nettoyage, quatre à la restauration.
En quoi consiste la restauration ?
B.P. : Il s’agit de combler les lacunes en reprenant à l’aiguille les parties manquantes ou très abîmées, et ce, de manière très réglementée. Les restaurateurs obéissent aux principes de la Charte de Venise de 1964, qui régit la conservation et la restauration. Celle-ci doit être « visible, lisible et réversible ».
C’est-à-dire ?
B.P. : Visible ? Pas forcément par tout le monde, mais par les professionnels. Lisible ? Le restaurateur qui travaillera dans cinquante ans devra pouvoir comprendre aisément ce que son prédécesseur a fait. Réversible ? La restauration doit pouvoir être supprimée si elle a mal vieilli.
Combien de temps prend une restauration ?
B.P. : Impossible de faire une moyenne. Tout dépend de la taille et de l’état de conservation de l’œuvre. Ça peut aller de quatre heures à six mois de travail.
Comment voyez-vous l’avenir de l’atelier Bobin ?
Avec optimisme. C’est une entreprise que j’ai achetée saine en 2020 et que je transmettrai également saine à mon tour dans quelques années. Et de plus en plus de gens se tournent vers l’artisanat d’art.
Merci à Christelle Piton pour ses photos.
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