À table !

Un repas en amoureux

Un jeune couple partage un repas en tête à tête, dans une pièce indéterminée – une antichambre ? Elle est assise sur une chaise à bras, lui sur une chaise à dos. La chaise à dos n’a qu’un dos, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui simplement une chaise. La chaise à bras est munie d’accotoirs, c’est donc un fauteuil. Le terme « fauteuil », à l’étymologie complexe, ne s’impose que vers 1640.
La table, de dimension réduite puisque seulement destinée à deux convives, est encore une fois complètement cachée, en l’occurrence par une nappe blanche aux plis impeccablement marqués. Le repas est bien frugal, limité à quelques tranches de melons apportées par un serviteur et à un artichaut trônant au centre de la table. Apprécié tiède, l’artichaut est maintenu à température par un réchaud. Ce n’est pas la description scrupuleuse d’un repas mais une allégorie du Goût. L’homme boit dans un verre à pied. Le petit serviteur derrière lui tient le pichet de vin qu’il a rempli grâce à une bouteille. On aperçoit celle-ci dépasser du rafraîchissoir placé aux pieds du garçon.
Plusieurs éléments rappellent la scène du « Goût » d’après Abraham Bosse : une belle nappe blanche, deux chaises à bras, un rafraîchissoir. Mais ici, les chaises à bras sont beaucoup plus travaillées.

Un banquet officiel

L’événement s’est tenu en 1633. Louis XIII a donné un banquet en l’honneur de ses chevaliers du Saint-Esprit juste après leur nomination, dans la salle de Bal du château de Fontainebleau. Les repas d’apparat n’ont guère changé depuis le Moyen Ȃge, on continue à utiliser des tables éphémères – une planche sur des tréteaux, le tout caché par une nappe blanche. Le souverain préside le festin, à une table indépendante placée devant la cheminée, agrémentée d’un dais de tissu pour l’occasion. Cette salle de bal, chef-d’œuvre de la Renaissance en France, conserve toujours cet aspect.

La restauration collective

Nous sommes dans l’un des quatre réfectoires de l’hôtel royal des Invalides à Paris. Cette institution, fondée par Louis XIV en 1670, prenait en charge les soldats qui, trop âgés ou handicapés, ne pouvaient plus combattre. Jusqu’alors, ils étaient souvent réduits à la mendicité. Conçus pour 1 500 hommes, les bâtiments en accueillent très vite 4 000. Les règles à respecter sont nombreuses ; il est, entre autres, interdit de cracher à table. Contrevenir au règlement engendre des sanctions, on peut par exemple être privé de vin pendant un certain nombre de repas. La table du centre est justement réservée aux buveurs d’eau.

Un point sur les sièges

Les scènes de genre hollandaises nous montrent beaucoup de sièges garnis de tissu. Fragiles, ils ont souvent disparu.
Le tissu contribue à l’unité, la même étoffe jaune orne la table et garnit l’assise, les montants du dossier et le dossier lui-même.
Certains fauteuils, plus austères, n’étaient pas garnis de tissu, on se contentait de poser un coussin (carreau) sur l’assise pour la rendre moins inconfortable.
Les supports d’accotoirs, les pieds antérieurs et trois des traverses ont été travaillés au tour, ils sont ronds. Les bras ont été endommagés, car le fauteuil de Jeanne de Chantal est devenu une relique. On en a prélevé des fragments pour les envoyer dans d’autres monastères de l’ordre.
D’autres fauteuils étaient beaucoup plus luxueux.
Les montants et les traverses sont tournés en spirale. Un dé d’assemblage (bois de section carrée) permet d’unir un montant et une traverse en bois tourné. Sur ce modèle luxueux, l’accotoir et son montant sont reliés par une tête féminine sculptée. La grande nouveauté des années 1630 - 1640 est la garniture fixe qui rend inutile le coussin mobile – le carreau déjà mentionné. Cette garniture est fixée par de gros clous qu’on ne cherche pas à dissimuler ; au contraire, ils participent à l’ornement.
Les pieds sont reliés par une entretoise en H et les supports d’accotoir ornés d’un visage de femme, dont la coiffure évoque celles des élégantes du milieu du 17e siècle : cascades de boucles et collier de perles !